Systèmes - Le patrimoine culturel immatériel - 1re - 113

Patrimoine vivant et spectacles vivants

général22 ». L'usage ne vaut pas coutume selon François Gény, la
reconnaissance d'une coutume suppose la réunion de deux éléments : « l'un de nature matérielle, un long et constant usage ; l'autre d'ordre psychologique (appelé opinio juris), la conviction d'une
sanction juridique spécifiant et qualifiant l'usage comme coutume
obligatoire23 ». Cela étant, la doctrine assimile la tradition locale
ininterrompue à une coutume praeter legem24. De son côté tout en
consacrant le fait que l'unité territoriale du droit est lézardée alors
que la République est une et indivisible, le Conseil constitutionnel a
jugé que le renvoi à une tradition locale ininterrompue qui conduit à
soustraire certaines parties du territoire à l'application uniforme de
la loi ne portait pas atteinte au principe d'égalité et que le fait de
laisser aux juges du fond l'appréciation souveraine de cette notion
n'était pas contraire au principe de légalité des délits et des
peines25. Le débat rebondit à l'occasion d'une demande d'inscription
de la tauromachie à l'inventaire national du patrimoine culturel
immatériel en avril 2011. Certes, il s'agit d'une décision préalable à
son examen par l'Unesco pour une inscription au patrimoine culturel
immatériel de l'humanité mais la juridicité de cette décision prêtait à
interprétation. Sur le fond, tous les arguments en faveur d'une telle
qualification semblaient converger en ce sens : tradition poursuivie
de génération en génération, continuité des traditions, sentiment
identitaire affirmé et communauté élargie à un territoire26. Toutefois,
faute de dispositif normatif lié à l'identification nationale d'un élément du patrimoine culturel immatériel, le pouvoir discrétionnaire
du ministre de la Culture est très étendu. Caroline Boyer-Capelle
considère néanmoins que « dans le cadre de la procédure préalable
à la décision d'inscription, seuls avaient été consultés des partisans
de la corrida ». Or, l'article 11 de la Convention précise que l'identification du patrimoine par l'État partie doit se faire « avec la participation des communautés, des groupes et des organisations non
gouvernementales pertinentes27 ». Sur la forme, s'agit-il d'un acte
purement recognitif qui ne fait pas grief ? Le ministre de la Culture
22. TEBOUL G., « Remarques sur la validité des règles coutumières internes dans l'ordre juridique français », RD publ. 1998. 692.
23. GÉNY F., Méthodes d'interprétation et sources du droit privé positif, 2e éd., LGDJ, 1919,
rééd. 1995, t. I, p. 356-357.
24. V. en particulier TIFINE P., op. cit.
25. Cons. const., 21 sept. 2012, nº 2012-271 QPC, AJDA 2012. 1770 ; D. 2012. 2486, note DAVERAT X. ; RFDA 2013. 141, chron. ROBLOT-TROIZIER A. et TUSSEAU G. ; RSC 2013, p. 427, note
« Indulto pour la corrida », LAMY(DE) B.
26. V. DAVERAT X., op. cit.
27. BOYER-CAPELLE C., « Sous bénéfice d'inventaire : l'inscription de la corrida au patrimoine
culturel immatériel de l'humanité, suite et fin ? », RSDA 1/2015, p. 74.

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