Systèmes - Le patrimoine culturel immatériel - 1re - 27

Introduction : La notion de patrimoine culturel immatériel : de quels droits ?

crainte d'une exploitation commerciale suscita des oppositions
quant à une telle dénomination. La notion de « tradition » fut également écartée car supposée fixe alors que ce patrimoine vivant est
évolutif. On aurait pu aussi qualifier ce nouvel objet patrimonial
« d'intangible72 ». Mais l'Unesco adopte in fine le qualificatif d'immatériel qui constitue le plus petit dénominateur commun de ces patrimoines. L'idée de patrimoine culturel immatériel, renforcée par sa
portée normative et légitimée par l'Unesco, donne certainement à ce
domaine patrimonial une consistance juridique et une solidité statutaire nouvelles. Postulant à une participation de la société civile dans
les différentes étapes des processus patrimoniaux, la Convention
insuffle une définition subjective du patrimoine, fondée sur la valeur
identitaire véhiculée par ces éléments pour des « communautés
patrimoniales ». L'engendrement communautaire initié par cette
convention mériterait un examen anthropologique documenté.
Mieux, la convention rattache au caractère symbolique de ce patrimoine, l'humanité. La justification principale du lien du patrimoine à
l'humanité est ontologique. Le patrimoine culturel est, avant toute
chose, intrinsèquement rattaché à l'humanité en qualité de creuset
des droits de l'homme. La référence à l'humanité fonde également
l'universalité des droits de l'homme, qu'on les considère comme
inhérents à la nature humaine ou à la dignité de la personne
humaine. Mais l'humanité renvoie ici à une qualité intrinsèque de
l'être humain, présente en chaque individu singulier. Alors que la
globalisation tend vers l'uniformisation, la diversité culturelle
devient « patrimoine commun de l'humanité ». La résurgence de
l'humanité comme figure de l'universel est érigée en fiction juridique
pour la sauvegarde du patrimoine culturel (de l'humanité). En effet,
le patrimoine culturel immatériel est pluriel, la somme de pratiques
culturelles différentes et singulières. Sous le sceau de l'humanité,
l'unité est établie pour traiter juridiquement du syntagme « patrimoine culturel immatériel de l'humanité ». Une nouvelle catégorie
juridique émerge des limbes du droit international. La figure de l'humanité renvoie à un autre postulat, celui de la propriété, ou plus
exactement en usant d'un néologisme de la « dé-propriation ».
Insusceptibles d'appropriation, ces patrimoines immatériels doivent
profiter équitablement et sans discrimination à toutes les communautés qui sont dépositaires de ces traditions, de ces éléments du
72. AIKAWAN-FAURE N., « An Historical Overview of the Preparation of the Unesco International
Convention for the Safeguarding of the Intangible Cultural Heritage », Museum International 2004, vol. 56(1-2).

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