Mélanges - Mélanges en l'honneur du doyen Didier Guével - 316

Zoé JacqUemin
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règlement n° 1099/200928
). la cour de justice conclut à l'absence de violation de
la liberté de religion, jugeant l'atteinte à la liberté de culte justifiée et proportionnée29
.
ce qui est remarquable dans cette décision, c'est que la cour étudie également
la conformité des mesures critiquées aux « principes d'égalité, de non-discrimination
et de diversité culturelle, religieuse et linguistique, tels que garantis par la
charte » en ses articles 20, 21 et 2230
. elle note en effet que le règlement européen
autorise les états membres à prendre des mesures protectrices des animaux dans le
cadre de l'abattage rituel, mais exclut expressément de son champ d'application - et
donc de toute immixtion comparable - la chasse, la pêche ou encore les activités
culturelles et sportives. le texte instaure dès lors une inégalité de traitement entre
les sacrifices cultuels d'une part et des pratiques non moins violentes d'autre part,
comme la chasse ou la corrida. la différence de traitement paraît flagrante, et pourtant
la cour de justice trouve une double parade pour la justifier. concernant les
activités culturelles de type corrida, elle souligne que le règlement a pour champ
d'application les seules « activités de production de denrées alimentaires », ce que ne
sont pas ces activités culturelles puisqu'elles ne produisent pas de viande, ou seulement
de manière marginale. par ailleurs, elle relève, « non sans une certaine ironie
»31
que « sauf à vider de leur substance les notions de « chasse » et de « pêche
. cela revient à dire que parce que
, concerrécréative
», il ne saurait être soutenu que ces activités sont susceptibles d'être pratiquées
sur des animaux préalablement étourdis »32
la joie de la chasse consiste précisément dans le fait de blesser l'animal par surprise,
on ne saurait lui appliquer les préceptes du bien-être animal. autant l'argumentation,
fondée notamment sur la marge d'appréciation des états membres33
nant l'atteinte à la liberté de religion nous paraît acceptable, autant cette réponse à
l'argument de la discrimination semble fragile. À titre comparatif, on notera que
l'article r. 214-70 du code rural (français) écarte l'étourdissement préalable
« lorsqu'il n'est pas compatible avec la pratique de l'abattage rituel » et que cette
disposition a été jugée conforme aux lois françaises et aux dispositions européennes
par le conseil d'état à deux reprises34
. côté français, il y a donc inégalité des animaux
devant la saignée, mais plus d'égalité entre chasseurs et prêcheurs.
28. dans le prolongement de l'art. 13 tFUe qui impose à la législation européenne de « [tenir]
compte des exigences du bien-être des animaux en tant qu'être sensibles », le règlement n° 1099/2009
du 24 sept. 2009 porte sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort.
29. il y a lieu de souligner la rigueur de l'application du contrôle de proportionnalité dans
cette affaire, la cour de justice caractérisant successivement l'aptitude du décret à réaliser le
but recherché (n° 64 et s.), le caractère nécessaire de l'ingérence (n° 72 et s.) et enfin son
caractère proportionné (n° 75 et s.).
30. les art. 20, 21 et 22 de la charte, inclus dans le chapitre « égalité », consacrent
respectivement l'égalité en droit, la non-discrimination et la diversité culturelle, religieuse et
linguistique.
31. d.-s. robin, « nouvelle confrontation entre bien-être animal et abattage rituel »,
D. Actu., 15 janv. 2021.
32. cJUe, décision c-336/19 préc., spéc. n° 91.
33. Ibid., spéc. n° 67-71.
34. ce, 5 juill. 2013, n° 361441 et ce, 4 oct. 2019, n° 423647, Œuvre d'assistance aux
bêtes d'abattoirs (OABA).
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