Manuel - Droit de la concurrence - 9e - 211

Règles de fond relatives au contrôle des concentrations
«l'article 3 du (...) règlement CE sur les concentrations doit être interprété en ce sens
qu'une concentration n'est réputée réalisée à l'issuedu changementdela naturedu
contrôle exercé sur une société existante qui, antérieurement exclusif, devient
conjoint, qu'àlacondition que l'entreprise commune issue d'une telle opération
accomplisse de manière durable toutes les fonctions d'une entité économique
autonome ».
156. Droit interne. - En droit interne, un raisonnement analogue a
conduit le Conseil d'État, dans un arrêt du 31 mai 200057
, Société Casino-Guichard
Perrachon, à rejeter le recours formé par cette société contre une
décision du ministre de l'Économie qui avait déclaré irrecevable la notification
qu'elle avait faite, conjointement avec la société CORA, au titre du
contrôle des concentrations, de la création d'une filiale commune dénommée
Opéra58
. Le Conseil déclare :
« Considérant qu'une filiale commune à plusieurs entreprises ne peut être regardée
comme une concentration au sens des dispositions précitées (de l'article 39 de
l'ordonnance du 1er
décembre 1986) que si elle assure de manière durable toutes
les fonctions d'une entité économique autonome ; que le ministre n'a, par suite,
commis aucune erreur de droit en se fondant sur le motif que la société Opéra
n'était pas autonome de ses maisons-mères dans son fonctionnement quotidien
pour conclure que la création de cette société ne constituait pas une concentration ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si la société Opéra a pour rôle
essentiel d'effectuer le « référencement » des fournisseurs de ses maisons-mères
pour une gamme importante de produits et de négocier les conditions d'achat
avec les producteurs ainsi « référencés », les décisions d'achat continueront à être
prises par les maisons-mères et leurs filiales, qui restent présentes en tant qu'acheteurs
sur le marché de l'approvisionnement en produits de grande distribution ;
que la société Opéra doit négocier les délais de règlement par référence aux pratiques
antérieures de ses maisons-mères et ne peut accorder d'escomptes de paiement
qu'avec leur accord ; que si la société Opéra est chargée d'acheter en propre
certains produits en vue de les revendre à ses mandants, il ne ressort pas des pièces
du dossier que cette activité, qui ne porte que sur une part très faible des achats
de ses maisons-mères et de leurs filiales, suffise à lui conférer le caractère d'une
entité économique autonome ; qu'il suit de là qu'en estimant que la société Opéra
n'avait pas, dans son fonctionnement quotidien, un caractère d'autonomie suffisant
pour que sa création puisse être regardée comme une concentration, le ministre
n'a pas entaché sa décision d'une inexacte qualification des faits de l'espèce ».
Il est remarquable que le Conseil d'État ait raisonné à partir de la distincdécembre
1986, à la différence du règlement
tion entre entreprise commune concentrative et entreprise commune coopérative
que l'ordonnance du 1er
spécialisée dans la construction de routes, avait acquis 50% du capital d'une société de droit autrichien qui
était propriétaire d'unecentraledemixage d'asphalte. La majeure partie de la production de cette filiale
commune allait être vendue aux deux groupes qui la contrôlaient désormais indirectement.
57. CE, 31mai 2000, nº 213161.
58. Il n'est pas téméraire de supposer que le but de cette notification était de prévenir une procédure
tendant à faire sanctionner une entente prohibée résultant de la constitution de la filiale commune.
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