Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 17 - De la faillite internationale à la procédure d'insolvabilité européano-suisse dans le cadre du règlement n°2015/848 : les effets en Suisse - 21

INTRODUCTION

1. Aucun texte supranational n'est applicable aux faillites internationales
franco-suisses. Le constat ne peut que décevoir après des centaines d'années de
négociations et d'accords bilatéraux pour construire un régime solide de coopération judiciaire entre les deux pays1. Le Traité d'alliance générale du 28 mai 1777
dit Traité de Soleure consacre la toute première règle concernant les faillites internationales franco-suisses : un jugement de faillite rendu en France devra être
« pleinement exécutoire » en Suisse quant à ses effets civils, et inversement concernant un jugement suisse en France (art. 13)2. Les dispositions de ce traité ont été
reprises dans différents accords bilatéraux conclus entre la France et certains
États du corps helvétique, tel que l'évêché de Bâle3.
2. Malgré ces instruments, la coopération judiciaire était difficile à instaurer
en pratique, et les faillites internationales menèrent à une rupture4. D'après les lois
et usages de certains États du corps helvétique et de ses co-alliés, les créanciers
1. La coopération judiciaire entre la France et la Suisse s'est construite lentement, au fil d'accords
de plus en plus détaillés. Les premiers pas furent timides : le Traité de paix du 28 décembre 1444
permit simplement d'assurer la liberté d'aller et venir librement sur le territoire des deux pays. Le
Traité de Fribourg du 29 novembre 1516 instaura la paix perpétuelle et les premières règles de
coopération en matière judiciaire (art. 13). Ce traité est transcrit in A. M. B. de Lanautte Comte
d'Hauterive/F. de Cornot de Cussy, Recueil des traités de commerce et de navigation de la France
avec les puissances étrangères, depuis la paix de Westphalie, en 1648, suivi du recueil des principaux
traités de même nature conclus par les puissances étrangères entre elles depuis la même époque, 1re partie,
t. 3, Paris, Rey et Gravier, 1836, p. 327-338. Différents traités se succèderont ensuite, mais seules des
règles générales seront instituées. Le traité d'Aarau conclu le 1er juin 1658, impose ainsi par exemple
au demandeur d'agir au for de la résidence du défendeur, les sujets suisses étant assurés de bénéficier
en France d'une « bonne et brève justice », garantie accordée de manière réciproque. Sur le sujet,
v. notamment A. Aujay, Études sur le Traité franco-suisse du 15 juin 1869, Paris, A. Pedone, 1903, p. 3,
§ 4. Les règles se répètent et se précisent peu à peu dans différents traités en 1715 et en 1771.
2. Le Traité de Soleure ne se contente pas des effets civils du jugement. Il protège les créanciers
de la manière suivante : « un Banqueroutier frauduleux, Sujet de la France, ne pourra trouver d'asile en
Suisse pour tromper ses Créanciers ; il pourra au contraire y être poursuivi & saisi ; (...) la même
procédure devant avoir lieu, en pareil cas, contre un Suisse en France ».
3. Lettres patentes du roi qui ordonnent l'Enregistrement de celles du 11 juillet dernier, portant
Ratification d'un Traité d'Alliance entre le Roi & le Prince-Évêque de Bâle, Versailles, 26 décembre
1780, Archives départementales du Haut-Rhin, 2J39, t. II, n° 51.
4. La grande tolérance dont le roi de France fit preuve envers le corps helvétique doit être
soulignée. Le roi avait constaté que les différentes concessions et nombreux privilèges accordés aux
suisses par les souverains français depuis la paix perpétuelle n'étaient pas réciproques. Le roi choisit
toutefois, dans un édit de décembre 1781, de « donner à la Nation Helvétique un témoignage éclatant de
notre constante affection », malgré le fait que « la progression étonnante du commerce des Suisses, & le
tort considérable qu'il fait à nos Sujets & à nos Finances, étoient pour nous un motif puissant & légitime
de faire cesser des prérogatives aussi préjudiciables ». Bien que les États du corps helvétique aient eu des
difficultés à allouer la réciprocité, le roi préféra réaffirmer aux sujets du corps helvétique les libertés
d'aller et venir ainsi que les conditions pour commercer ou se domicilier sur le territoire français.
Aucune difficulté relative au traitement des créanciers en matière de faillites n'avait toutefois été

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