Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 17 - De la faillite internationale à la procédure d'insolvabilité européano-suisse dans le cadre du règlement n°2015/848 : les effets en Suisse - 22

2

DE LA FAILLITE INTERNATIONALE À LA PROCÉDURE D'INSOLVABILITÉ
EUROPÉANO-SUISSE DANS LE CADRE DU RÈGLEMENT N° 2015/848 : LES EFFETS EN SUISSE

français ne pouvaient faire valoir leurs droits qu'une fois les créanciers de ces
États entièrement satisfaits. La pratique a particulièrement été identifiée dans le
canton de Schaffhouse. Cette attitude, contraire à la paix perpétuelle de 1516 et
au Traité de Soleure de 1777, était inacceptable. Compte tenu du grand nombre
de relations commerciales nouées entre la France et les États du corps helvétique,
l'inégalité ainsi instaurée portait lourdement préjudice aux créanciers français, et
ne pouvait perdurer. Les sujets des cantons suisses (ainsi que ceux de leurs coalliés) avaient toujours bénéficié en France des mêmes droits que les sujets français, dans le respect de leurs hypothèques et privilèges, si bien que la situation était
devenue intolérable et appelait une réaction forte.
Celle-ci prit la forme de deux déclarations royales, l'une du 20  juin 1784,
l'autre du 20  août  1784. Le roi Louis XVI imposa à son tour une inégalité de
traitement entre créanciers français et suisses5. Dans tous les cas de déconfiture
ou de faillite arrivant en France, les citoyens, bourgeois et sujets du canton de
Schaffhouse ne pouvaient plus être colloqués ni payés par concurrence avec les
sujets français. La préférence nationale que ce canton avait cru bon d'instaurer fut
reprise en France de la manière suivante : les citoyens, bourgeois et sujets du canton de Schaffhouse ne pouvaient obtenir paiement qu'après le remboursement
entier et parfait des sujets français, en dernier rang, et sans prise en compte d'un
privilège ou d'une priorité qui pourrait caractériser leur créance, telle qu'une
hypothèque. Concernant les ressortissants des autres cantons suisses et co-alliés,
la collocation par concurrence avec les créanciers français était par principe également refusée. Un traitement égalitaire pouvait toutefois être accordé sur présentation d'un certificat émis par leur souverain, attestant que l'égalité de traitement
avec les sujets français était respectée dans l'État helvétique dont ils dépendaient. Ce certificat devait être présenté pour chaque cas de faillite. L'objectif du
roi était de s'assurer du respect de la réciprocité, mais non de détériorer les relations franco-suisses. Il reconnut ainsi, aux États helvétiques qui le souhaitaient, la
possibilité d'émettre une déclaration en forme attestant du respect de la réciprocité envers les sujets français en la matière. Une telle déclaration permettait d'affranchir les sujets de ces cantons de la formalité du certificat à présenter dans les
procédures françaises.
La grande majorité des États helvétiques et de leurs co-alliés firent usage de
cette possibilité, ce qui permit à nouveau aux sujets de ces cantons, républiques,
villes ou communautés helvétiques de bénéficier de l'égalité de traitement dans les
faillites ouvertes dans le royaume6. Le Conseil Souverain de la ville et de la république de Schaffhouse, sur le territoire duquel les pratiques à l'origine des troubles
s'étaient développées, formula lui aussi une déclaration en forme le 28 juin 1786,
avec la garantie que la réciprocité sera observée à l'avenir au profit des créanciers
français. Certains États résistèrent. Les sujets du canton d'Uri, d'Appenzell catholique, d'Appenzell protestant, des bailliages d'Italie, des bailliages libres du
relevée à ce moment. V. Édit du roi qui regle les Privileges dont jouissent dans le Royaume les Sujets
des États du Corps Helvétique, Versailles, décembre 1781, Archives départementales du Haut-Rhin,
2J39, t. II, n° 57.
5. Déclaration du roi de France, concernant les créances que les Suisses auront à répéter sur des
particuliers qui ont fait faillite en France, Versailles, 20 août 1784, Archives de l'ancien évêché de Bâle,
B 225, 679, liasse 116.
6. Lettres patentes du roi qui interprètent la Déclaration du 20  août  1784, concernant les
Créances que les Suisses auront à répéter sur les Français, Versailles, 25  décembre 1787, Archives
départementales du Haut-Rhin, 2J39, t. III, n° 34.

Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 17 - De la faillite internationale à la procédure d'insolvabilité européano-suisse dans le cadre du règlement n°2015/848 : les effets en Suisse

Table des matières de la publication Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 17 - De la faillite internationale à la procédure d'insolvabilité européano-suisse dans le cadre du règlement n°2015/848 : les effets en Suisse