Bibliothèque de droit privé - Tome 594 - Recherche sur la qualification en droit international privé des obligations - 237

VERS LA CONSÉCRATION D'UNE ANALYSE MONISTE DE LA QUALIFICATION

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règle de compétence générale posée à l'article 2 de la convention de Bruxelles et
« ne sauraient donner lieu à une interprétation allant au-delà des hypothèses envisagées par la convention »98. Elle en déduit la définition de la matière contractuelle
« comme visant une situation dans laquelle il n'existe aucun engagement librement
assumé d'une partie envers une autre »99. Cette déduction pose problème.
337. Corrélation injustifiée entre la référence aux « objectifs et au système »
et la définition de la matière contractuelle. Le lien entre les objectifs et le système
de la convention d'une part, et la définition proposée par la Cour, d'autre part,
n'est pas évident. En effet, si l'on reprend un à un ses arguments, on s'aperçoit
qu'ils ne permettent pas d'en déduire la définition de la matière contractuelle.
Comme l'a fait remarquer M. de Vareilles-Sommières le « système posé par la
Convention ne permet pas de cerner la notion de "matière contractuelle" »100. Il en
est de même des objectifs défendus par les textes de Bruxelles qu'elle évoque à
l'appui de sa définition. L'auteur poursuit en soulignant qu'« in abstracto, il est
pratiquement impossible de dire si, pour trancher le litige opposant le sous-acquéreur au fabricant vendeur initial, le juge du lieu du fait dommageable est territorialement mieux placé que son homologue du lieu d'exécution de l'obligation »101.
L'auteur conclut en relevant le « motif réel » de la Cour de justice. La qualification délictuelle de l'action du sous-acquéreur à l'encontre du fabricant est celle
qui bouscule le moins les systèmes nationaux des États membres102. Faut-il
regretter cette approche ? Dans la mesure où les fors optionnels de compétence
sont construits autour de la matière considérée, il semble difficile d'évincer le
processus de qualification et de procéder à une approche purement fonctionnelle qui consisterait à retenir, au cas d'espèce, le tribunal le plus compétent. Raisonnant justement à partir de l'arrêt Jakob Handte103, M. Bischoff estime qu'il
n'est pas nécessaire de se fixer « une fois pour toutes » sur la qualification de
l'action en responsabilité du sous-acquéreur à l'encontre du fabricant104.
Lorsqu'on hésite sur la qualification d'une question de droit, « ce qui peut faire
pencher la balance c'est le résultat auquel on aboutit »105. Il s'agit alors de s'assurer que le juge désigné au titre de l'article 5.3 de la convention de Bruxelles est
le mieux placé, au regard des impératifs de bonne justice procédurale de droit
privé, pour statuer sur le cas concret et de valider, a posteriori, la qualification.
L'auteur étaye son argument en affirmant que la Cour adopte la même démarche
lorsqu'elle se réfère « aux objectifs et au système de la Convention » de Bruxelles.
Précisément, il n'est pas certain que cette référence permette de guider la qualification106. Le même constat peut être fait à propos de l'arrêt Kalfelis107.
98. Ibid., pt. 14.
99. Ibid., pt. 15.
100. P. de Vareilles-Sommières, op. cit., p. 717, n° 8.
101. Ibid., pp. 717-718, n° 8.
102. Ibid., p. 721, n° 13.
103. CJCE, 17 juin 1992, Jakob Handte, préc.
104. J.-M. Bischoff, intervention à la suite de la communication de M. Kerameus : K. Kerameus,
« La  compétence internationale en matière délictuelle dans la convention de Bruxelles »,
TCFDIP 1993. 255, spéc. pp. 276-277.
105. Ibid.
106. En ce sens, S. Bollée, « La responsabilité extracontractuelle du cocontractant en droit
international privé », Mélanges en l'honneur du professeur Bernard Audit : les relations privées
internationales, LGDJ-Lextenso, 2014, p. 119, spéc. p. 130, n° 10, ndbp n° 28.
107. CJCE, 27 sept. 1988, Kalfelis, préc.
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