Bibliothèque de droit privé - Tome 594 - Recherche sur la qualification en droit international privé des obligations - 333

POUR LA CONSÉCRATION D'UNE ANALYSE MONISTE DE LA QUALIFICATION

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même que le responsable ne serait pas tenu selon la lex contractus. Ensuite, il est
envisageable que la loi du lieu du délit ne permette pas au tiers d'engager la responsabilité du défendeur alors même que la loi du contrat conclu par le fabricant
l'autoriserait. Enfin, l'incohérence serait totale si le cocontractant décidait également d'engager la responsabilité du défendeur en se fondant sur la même inexécution contractuelle. Ce dernier rechercherait la responsabilité du défendeur en
invoquant la lex contractus. De son côté, le tiers invoquerait la lex delicti en se
fondant sur la même inexécution contractuelle. On aurait donc deux lois distinctes, la lex contractus et la lex delicti, qui s'appliqueraient à un même dommage, avec de possibles divergences quant à la résolution au fond du litige486.
Est-ce là une raison pour évincer une qualification objectivement neutre ? À
trop facilement changer de qualification au gré des cas concrets, on risque d'aboutir
à des solutions arbitraires. Le risque est grand, en effet, que la solution soit uniquement guidée en fonction de la solution qui semble substantiellement la plus appropriée aux yeux du juge. La sécurité juridique et la prévisibilité seraient dès lors
atteintes, l'arbitraire dominerait. Aussi, plutôt que de modifier trop facilement la
qualification, le remède doit porter sur le critère de rattachement487. À différents
égards, le règlement Rome II est en mesure d'apporter une solution équilibrée sans
qu'il soit nécessaire de sacrifier la prévisibilité de la qualification délictuelle.
En premier lieu, rappelons que les parties ont désormais la possibilité de
déterminer la loi applicable à leur relation non contractuelle par un choix ex post,
mais également ex ante lorsqu'elles exercent « toutes une activité commerciale »488.
Surtout, l'insertion de la clause d'exception à l'article 4.3 du règlement Rome II
pourrait incarner l'un des moyens de remédier à l'inadaptation du critère de rattachement, tout en conservant une qualification adéquate. En l'espèce, le requérant souhaite obtenir la réparation de son préjudice du fait d'une inexécution
contractuelle. On peut raisonnablement avancer que la loi du contrat présente des
liens « manifestement plus étroits » avec le fait dommageable que la loi du lieu du
délit. Le recours à la clause d'exception garantit ainsi un traitement cohérent de
certaines situations à la frontière entre la matière contractuelle et délictuelle. La
rigueur de la qualification est conservée et la solution retenue est satisfaisante. Il
faut toutefois garder à l'esprit que le déclenchement de la clause d'exception n'est
pas automatique. Les conditions qui ont été exposées doivent être réunies et il
appartiendra au juge de les vérifier préalablement à sa mise en œuvre.
B. L'ADOPTION D'UNE PROROGATION DE COMPÉTENCE
DEVANT LE FOR DU CONTRAT
481. Plan. S'agissant du conflit de lois, on a pu établir divers mécanismes de
nature à garantir un traitement satisfaisant des différents contractuels et délictuels d'un même litige. Concernant les règles de conflit de juridictions, en revanche,
la jurisprudence Kalfelis conduit à une approche distributive des différents aspects
d'une même demande. On aboutit alors à une dispersion regrettable du contentieux devant des fors distincts (1). Afin de remédier à ces inconvénients, certains
486. D. Sindres, « La violation du contrat au préjudice des tiers en droit international privé »,
JDI 2010. 410, n° 9.
487. T. Azzi, « Bruxelles I, Rome I, Rome II : regard sur la qualification en droit international
privé communautaire », préc., n° 22.
488. Art. 14.1 a. et 14.1 b. du règlement Rome II.

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