Bibliothèque de droit privé - Tome 593 - L'organisation de la connaissance des actes du procès civil - 638

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L'ORGANISATION DE LA CONNAISSANCE DES ACTES DU PROCÈS CIVIL

que l'individu doit faire pour se conformer à la prescription officielle et ce qu'il
fait effectivement »31 ne devienne trop important, faute d'une sanction automatique. Ainsi, Hébraud soulignait que « le fait d'édicter des règles en les laissant
violer impunément ne peut qu'inciter à une indiscipline systématique et accoutumer au désordre »32 tandis qu'au contraire, « l'automatisme de la sanction est un
moyen très efficace de maintenir une pratique correcte, et, par-là, d'éviter les irrégularités elles-mêmes. (...) Certes, la discipline professionnelle tend principalement à ce but ; mais l'expérience prouve qu'elle est insuffisante »33. Par la suite,
ses disciples sur ce point reprirent l'idée : « dans la mesure où le prononcé de la
sanction que constitue la nullité se raréfie, les formalités dont l'inobservation n'est
plus sanctionnée seront de moins en moins respectées. La sanction du formalisme
est nécessaire au maintien d'une pratique correcte dans la rédaction des actes de
procédure, pratique qui contribue au bon fonctionnement de la justice dans l'intérêt général »34. S'agissant spécialement de la sanction de l'irrégularité des notifications, ce dernier argument valait comme a fortiori. On l'a vu, c'est sur le sérieux
de la recherche de la connaissance des actes que repose le système mis en place par
le législateur français, qui gouverne même la sévérité de principe des solutions
adoptées lorsqu'il existe un doute sur la connaissance de l'acte par son destinataire. Affaiblir la notification en ne sanctionnant pas son irrégularité, c'est donc
plus que refuser la sanction d'une formalité isolée qui n'aurait qu'un effet limité,
cela revient à potentiellement ébranler tout un édifice méticuleusement construit
par le droit positif : si de facto les diligences de l'huissier venaient à se relâcher,
c'est par exemple la limitation assez drastique de l'opposition qui perdrait de son
sens. Dès lors, remettre en cause l'automaticité de la sanction de l'irrégularité de
la notification en acceptant de tenir la connaissance avérée de l'acte pour équivalente à la connaissance régulièrement établie est périlleux.
810. Surtout, il nous faut insister sur un dernier argument, qui milite non
pas généralement en faveur de l'indifférence du grief, mais spécialement en faveur
de l'indifférence de la connaissance avérée. Comme on l'a déjà évoqué, l'automaticité de la sanction de l'irrégularité de la notification présente l'avantage de ne
pas avoir à s'interroger sur la réalité de la connaissance de l'acte par son destinataire et sur sa suffisance. De la sorte, si un défendeur irrégulièrement cité vient à
apprendre indirectement, sans avoir eu de citation entre les mains, qu'il doit se
présenter tel jour, à telle heure devant telle juridiction et qu'il comparaît effectivement, le juge n'aura pas à se demander si sa connaissance de la citation équivaut
à celle qui aurait résulté d'une citation régulière, ce qui évite la création d'un
contentieux de la connaissance de l'acte parfois difficile à trancher. La difficulté
de l'opportunité du système retenu : au lieu d'éviter des vices de forme eux-mêmes, on évite seulement
leur sanction ; or quelle est l'efficacité d'une règle qui est en fait dépourvue de sanction ? L'on
comprendrait la suppression ou la modification des règles de formes jugées trop contraignantes ou
inadaptées. La politique qui consiste à les conserver en sanctionnant expressément leur inobservation
par la nullité tout en mettant en fait obstacle à son prononcé paraît à la fois hypocrite et inefficace ».
31. Soit la définition de l'effectivité de la règle de droit donnée par certains auteurs ;
v. T. Delpeuch, L. Dumoulin et C. de Galembert, Sociologie du droit et de la justice, Armand Colin,
2014, p. 46.
32. P. Hébraud, obs. sous Civ. 1, 8 nov. 1972 ; RTD Civ. 1973, p. 158 et s., spéc. p. 159.
33. P. Hébraud, note sous Civ. sect. Com., 18 nov. 1947 préc., p. 179.
34. J. Lemée, op. cit., n° 49, p. 49. L'auteur y revient plus loin dans son article, n° 53, p. 51 : « par
une pente naturelle de l'esprit humain, l'absence de sanction effective de certaines formalités risque
fort de conduire les intéressés à les négliger de plus en plus souvent ».
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