Bibliothèque de droit public - Tome 313 - La diplomatie parlementaire - 96

LA DIPLOMATIE PARLEMENTAIRE

militaire réussi et dirigé par le lieutenant-colonel Kountche. Aussitôt, une polémique surgit. Des journalistes français et étrangers soulignent que ce putsch
n'aurait pu se produire sans l'accord tacite des forces militaires françaises basées
sur zone qui, malgré les démarches d'intervention transmises aux autorités françaises à Paris - en fait à Jacques Foccart - par notre poste diplomatique de
Niamey, étaient restées neutres. Tout cela intervient de plus dans un contexte de
relations bilatérales sensibles liées à la question de l'uranium nigérien sur laquelle
le Président intérimaire avait engagé la France258. En outre, il sera imputé au vide
politique régnant en cette période intérimaire, le choix de la date par les rebelles
nigériens ayant été minutieusement choisi. En effet, ceux-ci auraient été convaincus que ni un Président intérimaire non élu, ni un Gouvernement se consacrant
à l'élection de ses ministres, n'oserait se lancer dans une opération militaire qui
serait de surcroît immédiatement condamnée et utilisée électoralement par l'opposition de gauche. En réalité, le jour même du coup d'État, un conseil restreint
est réuni à l'Élysée sous la présidence d'Alain Poher en présence du Premier
ministre, des ministres de la Défense, des Affaires étrangères, de la Coopération
et de Jacques Foccart. Il y est décidé de ne pas intervenir comme le soulignera
ultérieurement Pierre Messmer, Premier ministre259. Le Président Poher en fera
lui-même le bilan quelque temps après : « au cours d'un intervalle d'un peu plus
de 50 jours, des évènements importants ou même graves, peuvent se produire
dans le monde et peuvent requérir des décisions des responsables français. Tel a
été le cas à Pâques 1974 pour le coup d'État survenu au Niger. La France était
liée à ce pays par des accords d'association dont il convenait d'interpréter les
obligations. L'attitude qui en découlait a été décidée le jour même ». Par ailleurs,
les auteurs du coup d'État nieront avoir profité de la situation politique particulière en France pour agir260.
197. Comme en 1969, les visites diplomatiques importantes prévues à Paris
avaient été ajournées ou annulées en raison de la période intérimaire nécessitant
une certaine réserve diplomatique et la focalisation des énergies sur le contexte
électoral interne. Une seule exception fut faite à cette règle, la réception par le
Président Poher le 10 mai 1974 de deux envoyés du Lieutenant-colonel Kountche
en visite éclair à Paris afin de renouer les premiers contacts diplomatiques au plus
258. « Les observateurs rappelaient que des dissensions s'étaient élevées peu de temps auparavant
entre la France et le Niger, à propos du prix de l'uranium. Ce pays, 5e producteur mondial, jouissant de
réserves importantes avait exigé une révision des accords franco-nigériens. M. Poher avait été mis en
possession du dossier et avait fait répondre officieusement qu'il acceptait ces demandes et donnait des
instructions précises pour qu'elles soient exécutées avec libéralisme. M. de Lipkowski, secrétaire d'État
aux affaires étrangères annonça bientôt qu'il se rendrait à Niamey le 19 avril et signerait cette fois sans
retard les conventions généreuses. L'affaire était donc présentée comme un coup des « services » contre
les visées libérales du Président intérimaire », selon M. Le Touzé, thèse, op. cit., p. 334.
259. « En ce qui concerne le Niger - M. Poher pourrait vous le dire -, nous nous sommes posés
la question de savoir si nous interviendrions pour remettre en place le Président déchu, mais nous ne
nous sommes pas posés la question de savoir si nous avions le droit d'intervenir, car nous en avions
certainement le droit. Le problème était de savoir s'il était opportun d'intervenir ou non. En plein
accord, nous avons décidé de ne pas intervenir. Je crois avoir été un spécialiste des questions africaines
et je suis en général hostile aux interventions de cette nature. Dans ce cas particulier, l'intervention
armée de la France n'était pas justifiée », entretien avec M. Cyril Le Touzé, thèse, op. cit., annexe p. 7.
260. En réponse à une question lui demandant si la vacance relative du pouvoir en France avait
joué un rôle dans le coup d'État, le Lieutenant-colonel Kountche répondra : « Non. Pour la France,
c'est une simple coïncidence. La date du déclenchement de cette affaire a été arrêtée bien avant la mort
du Président Pompidou », in Le Monde, 2 mai 1974.

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