Bibliothèque de droit privé - Tome 597 - La notion de coopération judiciaire - 140

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LA NOTION DE COOPÉRATION JUDICIAIRE

l'organisation de la société internationale. Toutefois, dans le domaine de l'efficacité
des jugements répressifs étrangers, cette idée a reçu des applications excessives40.
Le principe de la territorialité du droit pénal n'est pas un principe absolu du
droit international41. L'extension législative de la compétence pénale nationale à des
cas extraterritoriaux est d'ailleurs de plus en plus fréquente, que ce soit à travers le
principe de la personnalité active (lorsque les infractions sont commises à
l'étranger)42, le principe de protection (permettant de poursuivre les infractions
commises à l'étranger mais qui portent atteinte aux intérêts de l'État), l'admission
de nouveaux critères de localisation des crimes (les infractions pénales sont considérées comme commises sur le territoire d'un État à partir du moment où l'un de leurs
éléments constitutifs y a été physiquement accompli), ou encore l'élargissement du
champ d'application du principe universel en vue de la poursuite de certains crimes.
La position du droit positif est à notre sens critiquable. Tous les jugements
étatiques, qu'ils soient civils, commerciaux ou répressifs, constituent des actes de
40. La position de la jurisprudence est constante depuis l'arrêt de principe : Cass. req., 14 avril
1868, S. 1868.1, p. 183 : « la règle selon laquelle les jugements rendus par les tribunaux étrangers ne
peuvent produire d'effets en France n'est que la conséquence du principe de la souveraineté de chaque
État sur son territoire ». Le lien entre la souveraineté étatique et l'exclusivité de la compétence
répressive a également été affirmé par la Cour permanente de justice internationale dans son arrêt
Lotus en date du 7  septembre 1927. CPJI, 7  septembre 1927, Lotus, RDIP  1928, p.  354, note
H. DONNEDIEU DE VABRES : « La limitation primordiale qu'impose le droit international à
l'État est celle d'exclure - sauf l'existence d'une règle permissive contraire - tout exercice de sa
puissance sur le territoire d'un autre État ».
Sur la justification du droit positif : V. not.  G. GIDEL, De l'efficacité extraterritoriale des
jugements répressifs, thèse, Université de Paris, Faculté de droit, 1905, pp. 9-11 : « Dans les sentences
pénales, il ne s'agit pas de dire le droit, mais de commander : le caractère autoritaire l'emporte sur le
caractère juridictionnel. Tandis que la solution donnée par un tribunal à une contestation touchant un
rapport de droit privé, doit être tenue partout pour exacte, dès l'instant que ce tribunal a régulièrement
appliqué au rapport de droit envisagé la loi rationnellement compétente pour le régir, toute différence
sera la situation en ce qui concerne les jugements rendus en matière répressive. Ici en effet il s'agit de
droit public, d'intérêts publics, de commandement bien plus que de juridiction. C'est à la notion de
souveraineté et à celle de territorialité, qui en est inséparable, que nous devons dès lors revenir ». V.
également M. BERNARD, Des conflits de souverainetés en matière pénale, Paris, Larose, 1901,
p. 132 s. L'auteur considère que la sentence du juge civil a une valeur « déclarative », dans la mesure
où il constate un état de droit préexistant. Le juge pénal, quant à lui, prononce une condamnation et
modifie la situation juridique de celui que son jugement consacre. Sa valeur est donc « constitutive ».
Sur la critique du droit positif : V. not. A. PILLET, Traité pratique de droit international privé,
t. II, Sirey, 1924, n° 668, p. 569. Alain Pillet écrivait que certes, « chaque souveraineté a un caractère
territorial ; mais on doit reconnaître que ce caractère territorial n'est pas exclusif chez elle ; elle a en
même temps un caractère personnel et par conséquent l'axiome incontestable de la territorialité de la
justice pénale ne peut pas s'appuyer sur la territorialité de la souveraineté, car on lui objecterait que la
souveraineté elle-même a un côté personnel, et que rien ne prouve, a priori, que cet aspect personnel
ne doive pas influer sur l'administration de la justice en matière criminelle ».
41. H. DONNEDIEU DE VABRES, note sous arrêt, CPJI, 7 septembre 1927, Lotus, RDIP 1928,
p. 354.
42. Lorsqu'une infraction est commise à l'étranger par un Français, le juge français applique la
loi pénale française pour déterminer la présence des éléments constitutifs de l'infraction et la peine
applicable. Par ailleurs, il existe des cas où le juge français sera amené à se prononcer alors même que
la personne poursuivie devant un tribunal étranger pour les faits commis à l'étranger est de nationalité
étrangère. C'est le cas de l'extradition, par exemple, où le juge doit consulter la loi étrangère. La loi du
10  mars 1927 contraint le juge français à connaître et apprécier la loi de l'État requérant afin de
déterminer si le fait pour lequel est sollicitée l'extradition y est puni d'une peine criminelle ou d'une
peine correctionnelle dont le maximum est supérieur à deux ans. Pour une vue sommaire des cas de
consultation par le juge français de la loi étrangère, V. P. BOUZAT et J.-D. BREDIN, Rapport,
Rev. int. de dr. pén., 1960, p. 496 s.

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