Bibliothèque de droit privé - Tome 598 - L'acte juridique irrégulier efficace - 50

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L'ACTE JURIDIQUE IRRÉGULIER EFFICACE

faire du droit positif une valeur en soi et du positiviste un adorateur du Droit
positif prêt à se taper la tête contre son Code pour se pénétrer de la Loi138 ». Le
positivisme est, de ce fait, accusé des pires maux. On a même pu lui imputer une
part de responsabilité dans l'installation et la consolidation des régimes nazis ou
totalitaires139. Xavier Magnon observe que « la doctrine privatiste semble d'ailleurs la plus touchée par cette aversion à l'encontre du positivisme140 ».
35. Ces critiques renvoient en réalité à une forme de positivisme, qualifiée par
Bobbio d'« idéologie141 ». Nous la qualifierons pour notre part de légalisme afin
de bien la distinguer du positivisme méthodologique précédemment décrit dont
elle se distingue clairement. En effet, il n'existe aucun rapport nécessaire entre le
positivisme idéologique et le positivisme méthodologique142. Plus encore, ces deux
courants nous paraissent incompatibles, ainsi que l'illustre la doctrine légaliste
d'Hobbes, exprimée dans Léviathan. L'auteur affirme que la « loi civile » (le droit
positif) est juste et que son obéissance est prescrite par la « loi de nature » : « les
lois sont les règles du juste et de l'injuste, rien n'étant réputé injuste si ce n'est pas
contraire à une certaine loi. De même, on voit que personne ne peut faire de loi,
sauf l'État [...] l'obéissance à la loi civile est aussi une partie de la loi de nature143 ».
On peut donc être jusnaturaliste tout en étant positiviste au sens idéologique du
terme, c'est-à-dire légaliste, simplement en fondant le devoir d'obéissance au droit
positif sur le droit naturel144. En revanche, le positivisme méthodologique n'est
pas compatible avec le légalisme puisque ce dernier attribue une valeur au droit
positif, prescrit de lui obéir, ce qui est une rupture manifeste avec l'exigence de
neutralité axiologique du chercheur.
36. De fait, aucun des représentants des principales écoles positivistes que
nous mobiliserons dans cette étude n'est légaliste, de Kelsen à Michel Troper et
138. P.  Brunet, « Positivisme, froid cynisme ? », Dictionnaire des idées reçues en droit
international, Éditions Pedone, 2017, p. 439 et s., spéc. p. 439 et 440.
139. G.  Radbruch, « 
Gesetzliches Unrecht und übergesetezliches Recht 
», Süddeutsche
Juristenzeitung, 1946, p. 105 et s., trad. par M. Waltz, « Injustice légale et droit supralégal », Archives
de philosophie du droit, t. 39, Le procès, Sirey, 1995, p. 307 et s. ; D. Lochak, « La doctrine sous Vichy
ou les mésaventures du positivisme », Les usages sociaux du droit, PUF, 1989, p. 252 et s. ; D. Lochak,
« La neutralité de la dogmatique juridique : mythe ou réalité ? 1/ Une neutralité impossible », Théorie
du droit et science, dir. P.  Amselek, PUF, 1994, p.  293 et  s. ; F.  Terré et N.  Molfessis, Introduction
générale au droit, 11e éd., Dalloz, 2019, p. 92, n° 83 : « Exaltant le positivisme, ramenant le droit à ce qui
est posé et discernant l'armature de sa position comme critère du juridique, la "théorie pure du droit"
est même porteuse de totalitarisme. » Pour une réponse plus développée à ces critiques, V. infra, n° 349.
140. X. Magnon, « En quoi le positivisme - normativisme - est-il diabolique ? », RTD civ. 2009,
p. 269 et s.
141. N. Bobbio, « Sur le positivisme juridique », Essais de théorie du droit, trad. M. Guéret et
Ch. Agostini, préf. R. Guastini, Bruylant, LGDJ, 1998, p. 23 et s., spéc. p. 24, n° 2 et p. 27 et s., n° 5.
142. Ibid., p. 25, n° 2.
143. Th.  Hobbes, Léviathan ou Matière, forme et puissance de l'État chrétien et civil,
trad. G. Mairet, Gallimard, 2000, p. 406, 407 et 410. Hobbes distingue le droit de nature (« la liberté
naturelle de l'homme ») de la loi de nature ou loi naturelle (droit naturel au sens de la théorie générale
du droit), ce qui est toutefois sans incidence sur le fait qu'on ne peut pas classer sa doctrine dans la
catégorie du positivisme méthodologique. Il n'y aurait de toute façon aucun sens à chercher à classer
Hobbes dans le positivisme méthodologique dès lors qu'il écrit en tant que philosophe et non en tant
que juriste : il ne prétend pas faire œuvre scientifique.
144. Bobbio avait bien identifié cette compatibilité entre une certaine forme de jusnaturalisme et
une certaine forme de positivisme en raison de la polysémie des deux termes, ce qui rend impossible
une définition du positivisme par sa seule opposition au jusnaturalisme et inversement (N. Bobbio,
« Sur le positivisme juridique », op. cit., p. 24, n° 1).

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