Bibliothèque de droit privé - Tome 599 - Les théories objective et subjective du contrat - 244

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LES THÉORIES OBJECTIVE ET SUBJECTIVE DU CONTRAT

de l'engagement du prêteur est d'obtenir une rémunération180. La cause de l'engagement de l'emprunteur est d'avoir à disposition des fonds qui, pour ce faire,
doivent avoir été remis. Il semble donc tout à fait cohérent de considérer que la
remise des fonds est la cause du contrat de prêt réel. Mais, comme le notent les
professeurs Rochfeld et Chénedé, il serait plus exact d'affirmer que la cause de
l'obligation de l'emprunteur de restituer la somme prêtée est la mise à disposition181 de cette somme pendant un certain temps182.
345. - La question est alors de savoir si le juge, et plus particulièrement la
Cour de cassation, a décidé d'exclure la possibilité de définir la cause comme la
mise à disposition des fonds à l'emprunteur en disposant que « la cause du contrat
de prêt est constituée par la remise de la somme ? ». À notre avis, elle ne s'est pas
posé cette question en ces termes. Elle englobe « mise à disposition » et « remise
des fonds » sans s'interroger sur la différence que cela emporte puisque, dans les
deux cas, la concrétisation est le même acte matériel. D'ailleurs, il semble que la
question posée dans l'arrêt du 19 juin 2008183 était relative à la charge de la preuve
de l'absence de cause et non pas relative à la cause elle-même. La définition donnée de la cause n'avait donc aucune incidence particulière. En d'autres termes,
que la cause soit la remise ou la mise à disposition des fonds, il faut à chaque fois
prouver la même chose : que les fonds n'ont pas été remis. Ainsi, la Cour de cassation fait peut-être un raccourci en considérant que la remise et la mise à disposition sont synonymes et pourrait, pour une plus grande clarté184, décider que « la
cause du contrat de prêt réel est la mise à disposition des fonds ». Cependant, la
solution ne changerait pas : lorsqu'une reconnaissance de dette est produite, il
revient à l'emprunteur de prouver que les fonds lui ont été remis.
346. - Reprenons l'exemple du prêt de 2 000 euros pour un intérêt de 5 %
sur une durée d'un an. La cause de la remise des fonds est de récupérer 100 euros
à l'échéance du terme. La cause de l'obligation de restituer de l'emprunteur est de
pouvoir utiliser ces fonds pendant la même période. Si le prêteur ne remet pas les
180. Christian LARROUMET et Sarah BROS, Droit Civil - Tome 3 - Les Obligations- Le
Contrat, op. cit., p. 152, §180 : « En revanche, du côté du prêteur, si celui-ci n'attend aucun avantage de
la part de l'emprunteur, le contrat sera à titre gratuit, solution affirmée par l'article 1976 du Code civil,
tandis qu'il sera à titre onéreux s'il attend une contrepartie telle que les intérêts dans le prêt d'une
somme d'argent. »
181. Garance CATTALANO-CLOAREC, Le contrat de prêt, Préf. Grégoire Loiseau., Issy-lesMoulineaux, France, LGDJ, 2015, p. 122, §172. : « L'obligation de restitution doit être reléguée à un
rang secondaire : elle n'est jamais considérée comme la prestation caractéristique. À l'inverse, ce bref
détour par le traitement législatif et prétorien de la prestation caractéristique dans le contrat de prêt fait
émerger, en dépit de quelques hésitations, le rôle central de la remise du bien et même, plus largement, de
la mise à disposition du bien comme la prestation caractéristique dans le contrat de prêt. »
182. Judith ROCHFELD, Cause et type de contrat, op. cit., p. 111, §113. : « Or, une appréciation
plus concrète voudrait que la cause, d'un prêt, réside pour l'emprunteur dans la mise à disposition du
bien pour la période de temps convenu, et pour le prêteur dans le paiement ou la bienfaisance. » Le
professeur CHÉNEDÉ écrit, art.  préc. : « Doctrine et jurisprudence assimilent en effet à tort
la remise et la mise à disposition de la chose. Autrement dit, elles confondent la remise - ponctuelle - du
bien, qui forme le contrat de prêt, et la mise à disposition - continue - de la chose, qui constitue la
véritable obligation du prêteur. »
183. Civ. 1re, 19 juin 2008, Bull. civ. I, n°175, 06-19.056 ; D. 2008. AJ. 1827 ; obs. DELPECH, et
Chron. C. cass. 2368, obs. CRETON.
184. François CHÉNEDÉ, art. préc. : « Malade, car déformée, la cause de l'obligation ne doit pas
être abandonnée, elle doit être soignée, c'est-à-dire débarrassée des déformations que la doctrine et la
jurisprudence lui ont fait subir. Le rétablissement de la cohérence de la théorie de la cause dans le contrat
de prêt en particulier et dans les contrats réels en général participerait de ce travail de réhabilitation. »

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