Bibliothèque de droit privé - Tome 599 - Les théories objective et subjective du contrat - 247

La consécration des fondements dans les droits positifs

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C'est la position de la Cour de cassation dans les arrêts du 19 juin 2008, du 14 janvier 2010189, du 4 mai 2012190 et du 3 juillet 2013191. Il s'agit alors de prouver un fait
juridique (le défaut de remise des fonds) ce qui peut se faire par tous moyens.
Troisièmement, il est possible que le prêteur produise une reconnaissance de
dette où la cause est exprimée. Toute la question est alors de savoir ce que signifie
que la cause soit exprimée ici. En premier lieu, il semble que la cause soit exprimée
s'il est indiqué dans l'acte que les fonds ont bien été remis192. Mais, en deuxième
lieu, il est également très possible que l'emprunteur ait, en reconnaissant sa dette,
voulu expliquer pourquoi il avait besoin de ces fonds, qu'il ait exprimé son motif.
S'il est simplement précisé que les fonds ont été remis, cela revient à indiquer
ce que le droit présume en vertu de l'article 1132 du Code civil, c'est-à-dire que la
cause existe. Ce sera alors à l'emprunteur d'apporter la preuve contraire, il pourra
le faire par tous moyens, puisqu'il s'agit à nouveau d'un fait juridique. En effet,
par principe, on ne peut opposer à un écrit qu'un autre écrit. Mais ici, ce n'est pas
parce que l'on indique un fait dans un acte qu'il se transforme en acte juridique.
Il n'existe pas d'opération de transmutation de la remise comme fait pour devenir
acte. Le professeur François écrit que « la reconnaissance de dette représente certes
une preuve préconstituée d'un acte juridique, à savoir le contrat réel de prêt. Cependant, celui-ci suppose remplie une condition de formation spécifique qui tient dans la
remise des fonds. En la contestant, le souscripteur de la reconnaissance s'attaque
donc au fait juridique nécessaire à la formation de l'acte juridique. La preuve
contraire qu'il se propose d'apporter est donc relative à un fait juridique. La consignation de ce fait juridique dans un écrit préconstitué ne devrait pas modifier le
principe applicable qui est celui de la liberté de la preuve. Autrement dit, nous
semble-t-il, l'acte sous seing privé de reconnaissance n'est pas en l'occurrence un
écrit dont la force probante s'imposerait au juge en vertu d'un système de preuve
d'une justification car, dans le cas contraire, la souscription d'un tel engagement serait insensée ; il lui
incombe donc, s'il prétend que la cause est inexistante, de le démontrer, par exemple en établissant
n'avoir pas reçu les fonds qu'il est engagé à rembourser ».
189. Civ. 1re, 14 janvier 2010, n°08-18.581, D. 2010. AJ 259, obs. AVENA-ROBARDET ;
D. 2010. 620, note François ; D. 2010. 2671, obs. DELEBECQUE, BRETZNER et GELBARD-LE
DAUPHIN ; RTD com. 2010. 763, obs. LEGEAIS. La Cour casse l'arrêt d'appel qui fait peser la
charge de la preuve de la remise des fonds sur le prêteur alors qu'il produit une reconnaissance de
dette.
190. Civ. 1re, 4 mai 2012, n°10-13.545, Gaz. Pal, 2012, n°284-285, p. 20, obs. HOUTCIEFF ;
RLDC, 2012, n°95, p. 12, obs. POULIQUEN : « la convention n'est pas moins valable quoique la
cause n'en soit pas exprimée, de sorte que c'était à Françoise X..., qui avait signé la reconnaissance de
dette et contestait la remise de la somme litigieuse, de rapporter la preuve de ses allégations ».
191. Civ. 1re, 3 juillet 2013, n°12-16.853, D. 2014.1342, obs. LEMOULAND et VIGNEAU ;
RLDC, 2013, n°108, p. 14, obs. LE GALLOU ; JCP G, 2014, n°4, doctr. 115, obs. GHESTIN. L'arrêt
pose que : « qu'après avoir exactement énoncé que la reconnaissance de dette était valable quoi que la
cause n'en fut pas exprimée, de sorte que, la cause étant présumée, il incombait à la souscriptrice
d'apporter la preuve de son inexistence ».
192. Pour le professeur ROCHFELD (art. préc. au Répertoire de droit civil) la cause est également
exprimée lorsque l'on peut saisir immédiatement l'intérêt qu'ont les parties au contrat. Nous ne
discuterons pas cette affirmation qui nous semble tout à fait exacte. Cependant ici, il n'est pas certain
que l'on puisse considérer que la cause est exprimée s'il est simplement stipulé sur la reconnaissance
de dette (ou l'acte primordial), que l'emprunteur devra des intérêts. Plus précisément, on comprend
immédiatement les intérêts qu'ont les parties à contracter un prêt à titre onéreux (intérêts perçus pour
le prêteur ; mise à disposition des fonds pendant un certain temps pour l'emprunteur), cela ne signifie
pas pour autant que la cause soit exprimée lorsque l'on envisage l'acte. En effet, la cause est la remise
de la chose qu'on ne peut simplement exprimer, mais que l'on doit réaliser.

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