Bibliothèque de droit privé - Tome 599 - Les théories objective et subjective du contrat - 334

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LES THÉORIES OBJECTIVE ET SUBJECTIVE DU CONTRAT

obligatoire. En effet, en échangeant une promesse contre une nominal consideration, le promettant vise intentionnellement un élément obligatoire du contrat, ce
qui manifeste sa volonté d'être juridiquement engagé. En d'autres termes, les critères posés par la théorie du contrat comme consentement sont remplis : une
-personne a manifesté objectivement sa volonté d'être engagée ; elle a invoqué
l'institution du contrat pour préciser qu'elle était prête à être juridique obligée.
Cependant, notons immédiatement qu'en principe, et comme nous l'avons
vu, la nominal consideration n'est pas valable en droit américain. En effet, conformément à la théorie objective du contrat que nous avons tenté de mettre en
lumière - un contrat doit permettre une véritable permutation de valeurs entre les
parties  - la consideration ne peut être un prétexte pour faire croire que la personne veut s'engager. Cela nous donne une première piste pour comprendre en
quoi le contrat comme consentement est une théorie doctrinale - c'est-à-dire qui
est élaborée par un auteur à partir d'un présupposé qu'il détermine  - plutôt
qu'une théorie juridique  -  c'est-à-dire qui vise à découvrir les fondements des
droits par l'étude des droits eux-mêmes sans prescrire un quelconque changement
ou indiquer une incohérence dans le droit positif.
511.  -  Au-delà de l'élément obligatoire du contrat, le professeur Barnett
considère que l'intérêt de sa théorie du contrat comme consentement est d'expliquer ce que la théorie du contrat comme promesse ne pouvait pas faire : la possibilité donnée au juge de parachever des contrats incomplets. Nous avons vu en
effet que le droit des contrats américain semble bien plus à même d'accepter qu'un
contrat soit incomplet. Pour nous, cela peut s'expliquer par le fait que le juge peut
facilement déterminer lui-même une permutation de valeurs économiquement
cohérente, notamment lorsqu'il dispose de critères qui ne relèvent pas de la
volonté des parties (prix du marché par exemple). L'exemple topique que nous
avons donné est le prix dans un contrat de vente qui peut ne pas être déterminé ou
déterminable en droit américain. Cependant, l'explication donnée par le professeur Barnett est tout autre. Si le juge peut compléter le contrat, notamment
lorsque les contrats manquent de détermination, c'est parce que les parties
consentent à ce que les règles supplétives, c'est-à-dire en quelque sorte le droit
commun (default-rules), leur soient appliquées. Le pouvoir du juge de compléter
le contrat serait alors fondé sur le consentement puisque les parties y ont consenti.
512. - Mais le professeur Barnett va plus loin et considère qu'il est normal
pour certaines parties de rester « rationnellement ignorantes »57, et donc de consentir à des règles que l'on ne connaît pas. Le consentement au droit commun (default
rules) serait dès lors une espèce de blanc-seing de la part des cocontractants. Il
écrit qu'« [i]l est rationnel de demeurer ignorant des règles contractuelles supplétives lorsque le coût d'engager un avocat pour déterminer quelles règles seront appliquées est plus important que le risque d'accepter une clause non désirée »58.
En d'autres termes, il est tout à fait normal, pour le professeur Barnett, de
consentir à un contrat sans connaître le droit des contrats puisque le rapport gain/
coût est défavorable à la recherche de l'information. Pour que sa proposition
57. Randy E. BARNETT, « The sound of silence : default rules and contractual consent »,
Virginia Law Review, (1992), p. 886.
58. Randy E. BARNETT, Contracts, op. cit., p. 99. : « It is rational to remain ignorant of the
background rules of contract law when the cost of hiring a lawyer to find out the rules that will be
supplied by a court is greater than the risk of agreeing to an undesired term. »

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