Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 154 - Des gouvernements sous le regard de leur parlement - 304

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DES GOUVERNEMENTS SOUS LE REGARD DE LEUR PARLEMENT

comme c'est le cas des communistes français et italiens au début des années quatrevingt-dix ou des eurosceptiques travaillistes. Les termes de « souverainiste » et
d'« eurosceptique » ne sont pas des appellations commodes pour désigner les parlementaires français et anglais opposés à l'intégration européenne, mais représentent une catégorie employée pour identifier l'entourage professionnel des
-parlementaires et comme un mode de présentation de soi par les parlementaires
eux-mêmes. Par exemple, comme le décrit Olivier Rozenberg dans sa thèse,
« quand un administrateur ou assistant parlementaire parlait de Nicole Catala, il
pouvait préciser "la députée souverainiste", si son interlocuteur ne la connaissait
pas ou n'arrivait pas à se souvenir d'elle »44. Ce sont aussi les parlementaires euxmêmes qui se présentent comme souverainistes ou eurosceptiques. Jacob
-Rees-Mogg, député Conservateur utilise le terme dans un entretien conduit en
novembre 2013 à Londres. Il introduit son point de vue personnel par « du point
de vue d'un député eurosceptique »45. De la même manière, Kelvin Hopkins, député
travailliste, déclare dans un entretien conduit à Londres en décembre 2013 :
Dans la mesure où le gouvernement actuel prend une position eurosceptique, je soutiens ce qu'ils font. Et ils sont forcés par leur droite eurosceptique
de faire ces choses, alors en ce sens je les soutiens.46
578.  Ces parlementaires ont investi le contrôle parlementaire des mesures de
liberté, de sécurité et de justice pour servir la cause de la souveraineté nationale
perdue, dans le cas des parlementaires souverainistes et eurosceptiques ou pour
protéger les travailleurs opprimés par l'économie néolibérale. Ce n'est donc pas
l'Europe de la justice et de la sécurité intérieure qui motive l'engagement de ces
parlementaires, qu'on peut appeler des parlementaires généralistes adversaires de
l'Europe (de la sécurité intérieure). C'est l'Europe tout court, et la justice et la
sécurité intérieure qui n'est qu'une partie de cette Europe, qu'ils contestent. Les
entretiens réalisés avec des députés eurosceptiques à la Chambre des communes
illustrent parfaitement ces constats :
AT : Qu'est-ce qui a motivé votre investissement dans le dossier PNR/
Schengen ?
Jacob Rees-Mogg (Con) : Cela a trait aux questions européennes et pas
spécifiquement aux PNR. Je ne dirais pas que la question [des PNR] en soi est
quelque chose qui m'excite. Je saisis parfaitement la logique : si un vol est opéré,
les deux parties doivent savoir qui sont les passagers et vous ne voulez pas laisser entrer des terroristes. (...) Mais comme vous le savez, le Royaume-Uni
dispose d'un opt-out par les dispositions du Traité de Lisbonne et on peut exercer un opt-in sur des mesures spécifiques. Cet opt-in est définitif ! Et on passe
d'une approche nationale intergouvernementale à une approche communautaire. C'est là que mes préoccupations reposent ! De manière générale je considère qu'on fait beaucoup trop de choses au niveau communautaire !47
44. Rozenberg, "Le Parlement français et l'Union européenne (1993-2005) : l'Europe saisie par
les rôles parlementaires", 444.
45. Entretien Jacob Rees Mogg (Conservative), membre European Scrutiny Committee, House
of Commons, Londres, 18 novembre 2013.
46. Entretien Kelvin Hopkins (Labour), membre European Scrutiny Committee, House of
Commons, Londres, 5 décembre 2013.
47. Entretien Jacob Rees Mogg (Conservative), membre European Scrutiny Committee, House
of Commons, Londres, 18 novembre 2013.

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