Bibliothèque de droit privé - Tome 600 - L'usufruit atypique - 163

Les règles de répartition des pouvoirs

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2.	 Dans l'usufruit des droits d'auteur
225. Présentation - L'usufruit des droits d'auteur fait l'objet de dispositions
spéciales en droit de la propriété littéraire et artistique. L'article L. 123-6 du Code
de propriété intellectuelle prévoit en effet que « le conjoint survivant, contre lequel
n'existe pas un jugement passé en force de chose jugée de séparation de corps,
bénéficie (...) de l'usufruit du droit d'exploitation dont l'auteur n'aura pas disposé ». Considéré comme une variété de succession anomale254, cet usufruit
-spécial fut institué par une loi du 14 juillet 1866, afin de « récompenser en la personne du conjoint survivant la muse présumée de l'artiste disparu, pour sa contribution supposée à l'épanouissement du génie créatif »255. Il faut préciser que cet
usufruit s'éteint en cas de remariage du conjoint survivant (CPI., art. L123-6 al 2)
et que le de cujus peut, par testament, en priver son conjoint256, dont le droit
d'exploitation n'est donc pas protégé par une quelconque réserve257.
Ce mécanisme se caractérise par le fait qu'il prévoit une forme de protection
de la réserve des héritiers (a). Au regard des possibilités de contournements du
texte, cette protection apparaît néanmoins bien fragile (b).
a)	 Protection de la réserve
226.  Possibilité de « réduction » de l'usufruit spécial - L'article L. 123-6 du
Code de la propriété intellectuelle dispose que « si l'auteur laisse des héritiers à
réserve, cet usufruit est réduit au profit des héritiers, suivant les proportions et
distinctions établies par l'article 913 du Code civil ». À première vue, l'usufruit
spécial du conjoint survivant paraît ainsi respectueux de la réserve des héritiers,
puisqu'il renvoie à la quotité disponible que ne peuvent pas excéder les libéralités
ordinaires (C. civ., art. 913). L'usufruit du conjoint survivant ne pourrait donc
s'exercer que sur la quotité disponible, préservant ainsi les droits de réserve.
Cependant, l'emploi du mot « réduction » a introduit un doute quant à la
nature de l'usufruit spécial du conjoint. S'inspirant de certaines doctrines selon
lesquelles les droits légaux du conjoint sont en fait des libéralités présumées258,
certains auteurs ont considéré que les termes de « réserve »259 et de « réduction »
renvoyaient à l'existence d'une libéralité entre époux260. Or, on sait que les libéralités entre époux peuvent s'exercer sur une quotité disponible spéciale, potentiellement élargie à la totalité des biens en usufruit (C. civ., art. 1094-1). À lire ainsi le
254. M.  GRIMALDI, Droit civil, Successions, 6e éd., Litec, 2001, n° 261 et s.
255. B. VAREILLE, « La muse oubliée : l'usufruit légal du conjoint survivant sur les droits
patrimoniaux résultant de la propriété littéraire ou artistique », Études offertes à Ph. Simler,
LexisNexis, p. 231. Dans le même sens, v. P.-Y. GAUTIER, Propriété littéraire et artistique, op. cit.,
n° 404, p. 421.
256. M.  GRIMALDI, Droit civil, Successions, op. cit., n° 261, p. 254-255.
257. B.  LARONZE, L'usufruit des droits de propriété intellectuelle, thèse préc., n°  346 et s.,
pp. 159 et s.
258. Sur cette question v.  B. VAREILLE, « La muse oubliée : l'usufruit légal du conjoint
survivant sur les droits patrimoniaux résultant de la propriété littéraire ou artistique », op. cit., n° 8,
pp. 232-233. V. aussi M. GRIMALDI, Droit civil, Successions, op. cit., n° 57, p. 50.
259. Sur la confusion engendrée par ce vocabulaire, v.  E. POUILLET, Traité théorique et
pratique de la propriété littéraire et artistique et du droit de représentation, op.  cit., n°  221, p.  272 :
« Comment s'agirait-il ici de réserve ? s'écrie-t-on. La réserve n'atteint que les libéralités faites soit par
acte entre vifs, soit par testament. Or la jouissance accordée au conjoint survivant ne lui est ni donnée
ni léguée ; elle est établie par la loi ; c'est un usufruit légal ».
260. H.  DESBOIS, Le droit d'auteur en France, 3e éd., Dalloz, 1978, n° 349.

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