Bibliothèque de droit privé - Tome 600 - L'usufruit atypique - 350

336

L'USUFRUIT ATYPIQUE

Dès lors, dans la mesure où elles sont constitutives de produits, il faut considérer que les actions distribuées en guise de dividendes sont à leur tour grevées
d'usufruit205. Pour la même raison, l'usufruit doit également se reporter sur les
actions souscrites suite à l'exercice du droit préférentiel de souscription ou du
droit d'attribution d'actions gratuites. L'article L. 225-140 alinéa 2 du Code de
commerce, qui dispose qu'en cas d'exercice du droit préférentiel de souscription,
et par renvoi, du droit d'attribution d'actions gratuites, « les titres nouveaux
appartiennent au nu-propriétaire pour la nue-propriété et à l'usufruitier pour
l'usufruit », ne peut donc qu'être approuvé206.
525. Protection des droits de l'usufruitier - S'agissant de la distribution du
dividende en actions, il n'est cependant pas certain que le report de l'usufruit
assure une protection suffisante des droits de l'usufruitier. Rappelons que ce dernier a normalement droit à l'intégralité des fruits, quels que soient leur nature et
leur mode d'exploitation. Or, la conversion des dividendes en actions a pour effet
d'empêcher l'usufruitier d'obtenir sa pleine vocation au fructus de la chose, car
même si son droit se reporte sur les titres nouvellement acquis, il n'en acquiert
jamais la pleine propriété. Autrement dit, dans une telle hypothèse, « une somme
devant intégralement lui revenir profitera in fine au nu-propriétaire »207, ce qui
peut sembler injuste pour l'usufruitier.
Une des solutions envisageables consiste à suspendre l'option du paiement
des dividendes en actions pendant la durée de l'usufruit208. Une telle mesure
semble cependant excessive car elle risque de pénaliser le nu-propriétaire de l'action par rapport à d'autres associés qui pourront, quant à eux, accroître leur participation dans la société. Moins radicale, une autre solution pourrait être d'instaurer une collaboration entre les parties. Comme en matière de cession exclusive
des droits intellectuels209, on se trouve face à un acte qui intéresse à la fois la
substance des biens grevés et celle des droits de l'usufruitier. Il apparaît donc
opportun d'inciter les parties à se mettre d'accord. Plus précisément, il pourrait
être établi que lorsque l'assemblée générale annuelle statuant sur les comptes de
l'exercice décide d'accorder aux actionnaires une option entre le paiement du
dividende en numéraire ou en actions (C. com., art. L. 232-18 al. 1er), l'exercice de
cette option devra être exercé en commun par l'usufruitier et le nu-propriétaire.
L'on pourrait objecter que l'usufruitier risque de s'opposer systématiquement à la distribution du dividende en actions, paralysant alors l'exercice de l'option. Une telle conclusion ne s'impose cependant pas avec la force de l'évidence,
car l'usufruitier peut trouver un intérêt à la distribution des dividendes en actions.
L'accroissement de la participation de l'actionnaire se répercute en effet nécessairement sur les pouvoirs de l'usufruitier, et peut ainsi lui être bénéfique, notamment si l'associé devient majoritaire210.
Au final, c'est donc à une répartition relativement claire des richesses que
permet de parvenir le critère des utilités essentielles en droit des sociétés. Il
205. En ce sens, v. F. ZENATI, « Usufruit des droits sociaux », Rép. sociétés, n° 375.
206. C'est nous qui soulignons.
207. N. KILGUS, L'usufruit des biens incorporels, thèse préc., n° 535, p. 485.
208. Sur cette possibilité, v. J.-Ph. DOM, « Dilution des droits du nu-propriétaire par paiement
du dividende en actions », Bull. Joly 2009, p. 751.
209. V. supra n° 498.
210. N. KILGUS, L'usufruit des biens incorporels, thèse préc., n° 536, p. 486.

978-2-275-07311-8__DOCFILE__corpus.indd 336

30/04/2020 13:16:15

Bibliothèque de droit privé - Tome 600 - L'usufruit atypique

Table des matières de la publication Bibliothèque de droit privé - Tome 600 - L'usufruit atypique