Contextes - La norme culturelle dans l'ordre juridique - 105

Valérie parisot 97

Cette appréhension en termes d'ordres juridiques des droits coutumiers en général, et de la coutume kanak en particulier, offre des avantages
indéniables « dans la compréhension des articulations qui peuvent être
envisagées entre l'ordre coutumier et l'ordre étatique » : « Elle permet de
préférer à une hiérarchie des sources (loi/coutume) ou à une articulation
des normes (droit commun/droit spécial), qui toutes deux défavorisent
ab initio la coutume, source informelle et incomplète, une recherche de
répartition de compétences entre ordres »176. La voie est ainsi ouverte
pour une mise en œuvre des outils du droit international privé dans le
domaine des conflits internes de lois, évidemment plus respectueuse des
identités culturelles que la suprématie de principe conférée au droit français.
Est-ce à dire, pour autant, que les questions de détermination de
champ d'application doivent être complètement exclues ? En réalité,
la méthode conflictuelle n'a vocation à intervenir pour régler le conflit
interne que si un tel conflit existe véritablement. À cet effet, deux systèmes
juridiques au moins, coexistant à l'intérieur d'un même État, doivent être
susceptibles d'appréhender la situation litigieuse. Le constat raisonne
comme une lapalissade. Il n'en est pas moins essentiel à la compréhension
des mécanismes d'articulation des normes. Par conséquent, il convient,
préalablement à toute mise en œuvre de la méthode conflictuelle, de s'interroger sur la compétence normative des systèmes en concours : les droits
coutumiers ont‑ils vocation à régir la question litigieuse et, partant, à entrer
« en conflit » avec le droit étatique ? L'opération passe inévitablement par
une détermination des champs d'application, ratione personae et ratione
materiae, de ces droits. Ce n'est que dans un deuxième temps, à supposer
que la compétence normative des droits coutumiers soit établie, que la règle
de l'humanité et de l'univers ». Elle est « ce qui produit la cohésion sociale ». - Adde, dans
ce dernier ouvrage, sur la notion de « droit civil coutumier kanak », qu'il désigne comme
étant « la partie juridique de la coutume », A. Leca, « Un phénomène juridique nouveau
entre Koutum et droit français : le droit civil coutumier kanak », p. 153.
176. P. Deumier, « La coutume à l'épreuve du droit de l'environnement », art. préc. note 155,
spéc. p. 34. - Voir dans le même sens P. Deumier, note préc. sous Cass., avis, 16 déc. 2005,
RTD civ. 2006, spéc. p. 521, in fine. - Adde, sur cette problématique, N. Rouland, art. préc.
note 33, RTD civ. 1994, spéc. p. 310 [En italique dans le texte] : « Inévitablement, l'émergence de la coutume, outre la nature consultative des pouvoirs des institutions chargées de
l'exprimer, ne s'y opère que par la grâce des pouvoirs législatif et réglementaire, ainsi que la
jurisprudence. Mais, pour reprendre une terminologie empruntée aux débats canadiens sur
les autochtones, il serait important de savoir si la coutume est reconnue à titre subsidiaire
ou inhérent. Si la coutume n'existe que par délégation de la loi, les conflits entre la loi et
les coutumes (...) seront réglés au profit de la loi. Mais si l'autorité de la coutume lui est
inhérente, si la Constitution s'en remet au contenu de la coutume dans le domaine qu'elle
lui assigne, le recours au principe de hiérarchie des normes pour régler leurs contrariétés
risque d'être plus difficile à mettre en œuvre. Certains indices sembleraient indiquer que
la deuxième hypothèse pourrait être la bonne. »

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