Contextes - La norme culturelle dans l'ordre juridique - 77

	

Valérie parisot	69

matière de mariage et de divorce notamment67, les époux musulmans sont
soumis au droit musulman, tandis que les époux catholiques maronites
obéissent au droit maronite et les époux rabbinistes au droit rabbinique.
Ces différentes règles, dans lesquelles il est sans doute possible de déceler
l'une des manifestations de la « diversité culturelle » que consacre par
ailleurs la Constitution actuelle68, sont toutefois loin d'être placées sur un
pied d'égalité. L'islam - proclamé, comme dans la plupart des pays arabes,
« religion de l'État »69 - jouit dans ce territoire d'une réelle prééminence : les
tensions entre le droit musulman et les autres droits religieux sont systématiquement résolues au profit du premier.
Ce trait distingue très nettement l'Égypte du Liban70, qui n'est pas un
État confessionnel mais un État « multicommunautaire »71, en raison de
l'attitude de neutralité qu'il observe à l'égard des dix-huit communautés
confessionnelles qu'il reconnaît officiellement sur son territoire, sur la base
de textes issus de la période mandataire. Ces communautés, toutes égales
entre elles, sont caractérisées non seulement par des pratiques liturgiques
spécifiques mais également par des traditions socioculturelles qui leur sont
propres, et qui tiennent, par exemple, au prénom que les parents donnent
à l'enfant à sa naissance, aux modes vestimentaires ou encore à l'enseignement dispensé dans les établissements72. De surcroît, l'appartenance
- obligatoire - de tout Libanais à l'une de ces communautés conditionne
l'exercice de ses droits civils et politiques. La religion constitue donc, au
culte, Thèse Paris II, 1972, Annexe n° I, p. 183] et, à sa suite, la loi 1/2000 du 29 janv. 2000,
qui maintient certains des principes posés en 1955.
67. Le droit égyptien est en revanche unifié en matière de successions, de tutelle sur la
personne et sur les biens, d'état et de capacité des personnes, de donation et de divorce
par voie de rachat : voir S. A. Aldeeb Abu‑Sahlieh, « Le statut personnel en Égypte : passé,
présent et avenir », in M. Aoun (dir.), Les statuts personnels en droit comparé, préc. note 11,
p. 135, spéc. p. 145‑146.
68. La Constitution de la République arabe d'Égypte du 15 janv. 2014 [traduite en français
sur le site https ://www.wipo.int/edocs/lexdocs/laws/fr/eg/eg060fr.pdf] prévoit que « L'État
s'engage à préserver l'identité culturelle égyptienne en y incluant ses diverses composantes
civilisationnelles » (art. 47) et qu'il « accorde une attention particulière à la protection des
composantes de la diversité culturelle en Égypte » (art. 50, al. 2).
69. Constitution de la République arabe d'Égypte préc., art. 2.
70. Voir, rassemblant des articles publiés dans divers ouvrages et revues parus depuis 1950,
P. Gannagé, Le pluralisme des statuts personnels dans les États multicommunautaires - Droit
libanais et droits proche‑orientaux, 2e éd., Hachette/PUSJ, 2019.
71. Si l'État libanais est un État neutre, il ne peut pas pour autant être qualifié d'État
laïque : voir, sur les difficultés soulevées par la qualification de l'État libanais, G. J. Assaf,
« Les bases constitutionnelles de la liberté de religion dans un pays multicommunautaire :
le cas du Liban », in Les droits de l'homme au seuil du troisième millénaire - Mélanges en
hommage à Pierre Lambert, Bruylant, 2000, p. 19, spéc. p. 28‑35.
72. N. El Hage, « Le pluralisme juridique au Liban », in R. Verdier (dir.), Jean Carbonnier.
L'homme et l'œuvre, Presses Universitaires de Paris Ouest, 2011, p. 517, spéc. p. 520‑521.
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