Clefs - Une société de communication ? - 6e - 73

Le mythe « Société de communication »

et échangé sur les ronds-points ou les réunions du « grand débat »
autour du mouvement des Gilets Jaunes a pu charrier le cliché, parfois
des paroles d'exclusion. Mais la leçon première du mouvement ne
fut-elle pas que quand parle un populaire - ici celui des campagnes,
des travailleurs précaires ou pauvres - il ne sort pas de sa bouche les
crapauds et serpents que vomit un personnage des contes de Perrault,
mais plus souvent des mots qui parlent de dignité, d'injustice. Cette
vox populi du bas n'est en rien stupide quand elle parle de référendums, de solidarités, de respect de plus modestes.

Les médiations de l'inégalité
Les processus de mondialisation peuvent, eux aussi, être relus et
restitués dans une problématique critique qui les pense au prisme de
la domination, de rapports Nord-Sud ou Ouest-Est réactivant sur un
mode euphémisé les vieilles logiques de l'impérialisme. Le sommet
de Tunis de 2005 sur « La société de l'information » a confirmé le
contrôle des États-Unis sur l'attribution, stratégique, des « noms
de domaine » dans l'architecture du réseau Internet. Et si Internet
connecte, il traduit aussi des clivages : en 2018 plus de 85 % des
Américains du Nord ont une connexion, comme 80 % des Européens,
mais seulement 48 % des habitants de l'Asie du Sud et 34 % des
Africains. Ces moyennes masquent des écarts plus grands encore entre
les plus de 95 % de Norvégiens, Coréens ou Qataris connectés, et les
3 % de Birmans ou de Nigériens, les 10 % de Burkinabés. Ces chiffres
gagnent à être complétés de l'observation de ce qu'en nombre absolu
d'utilisateurs d'Internet, la Chine est largement en tête (770 millions
en 2018) et que l'Inde, le Brésil et le Nigéria sont dans les dix premiers
pays sur ce critère. Les inégalités de puissance concernent aussi les
big data des banques de données, les patrimoines informationnels. La
possession d'un satellite d'observation terrestre donne à l'État détenteur un atout considérable dans la prospection des richesses minières,
l'anticipation des récoltes et de leurs incidences sur les bourses de
matières premières, et ce à l'échelon planétaire. Les biens culturels
n'échappent pas à cette logique de la puissance. Une recherche scientifique qui n'est pas publiée dans une revue académique en langue
anglaise est vouée à la confidentialité. La circulation des programmes
donne sens à une géopolitique de l'imaginaire marquée par la puissance américaine. Dans beaucoup de pays du monde la majorité des
salles de cinémas, des récepteurs de télévision diffusent des films et
des fictions « made in USA ». L'observation peut servir à instruire un
énième procès de la culture américaine, où les fantasmes construisent
souvent le réquisitoire. Elle peut aussi susciter réflexion sur ce qu'implique pour une communauté de s'immerger dans un imaginaire né

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