Clefs - Une société de communication ? - 6e - 93

Les déterminants sociaux du mythe

« concrètes » (pression fiscale, formation de la main-d'œuvre, proximité de réseaux physiques de communication, de pôles universitaires)
pèsent davantage dans les choix des firmes que les politiques « symboliques » de communication1. Ces observations ne modifient pas
l'importance des évolutions suggérées ici. Les efforts consacrés à la
gestion d'une image locale attestent au minimum de la force acquise
par la croyance dans la nécessité d'un tel travail comme outil de
promotion de la cité, de légitimation d'un zèle modernisateur vis-à‑vis
des électeurs. Il serait par ailleurs téméraire de nier toute efficacité à
l'action symbolique parce que ses effets sont malaisément mesurables.
À travers les multiples palmarès qui objectivent dans les quotidiens ou
les hebdomadaires économiques les images des villes, leur popularité
auprès des étudiants ou des cadres, se cristallisent aussi des représentations, pour partie débitrices des campagnes de promotion. Celles-ci
viennent au moins jouer à la marge en rendant une délocalisation ou
un transfert moins rebutant pour des salariés ayant du nouveau site
l'image d'une ville conviviale ou bien dotée en ressources scolaires
ou culturelles.

Politique-spectacle ?
Autre terrain, constats facialement identiques : les conditions de
la compétition politique se sont profondément modifiées en l'espace
de trente ans. L'intervention des réseaux de communication dans ces
évolutions a pu faire parler d'un État-spectacle, d'une politique saisie
par la communication comme par la débauche. Il n'est guère besoin
de forcer le trait pour rendre visibles les changements intervenus
en ce domaine depuis le temps où les « causeries » radiophoniques
de P. Mendès France apparaissaient comme une hardiesse, ou celui
où le général de Gaulle renonçait comme à un exercice subalterne à
faire usage de tout son temps de parole dans la campagne télévisée
de 1965. Le personnel politique a conquis en l'espace d'une génération une nouvelle dimension de son « métier », faite de maîtrise
des médias, de capacité à anticiper la réception et les impératifs du
vecteur (Neveu, 2012). La lecture des pages que M. Rocard consacrait, voici déjà trente‑cinq ans2, à ce qu'il nommait « Les biais du
système médiatique » montre que la connaissance réflexive désormais ancienne qu'ont les professionnels des contraintes des médias
n'est pas toujours éloignée des théorisations des sciences sociales.
Une véritable expertise a été incorporée en matière de gestes symboliques capables de rehausser une cote de popularité qu'il s'agisse
1. C. Le Bart, La rhétorique du maire-entrepreneur, Pédone, 1992.
2. Le cœur à l'ouvrage, Odile Jacob, 1987.

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