Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 153 - Les normes de concrétisation dans la jurisprudence du Conseil Constitutionnel - 53

LA NORME DE CONCRÉTISATION, UNE CONCRÉTISATION DES NORMES DE RÉFÉRENCE

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Parmi de très nombreux exemples possibles, les interprétations, opérées par le
juge constitutionnel, des articles 2, 4 et 16 de la Déclaration de 1789 sont topiques.
Au sein de ces trois illustrations, un seul article du texte de 1789 peut donner naissance à plusieurs normes de référence du contrôle de constitutionnalité alors
même que lesdites normes, issues du même texte, semblent parfois assez éloignées
les unes des autres. Ainsi en est-il des principes découlant de l'article 2 de la
Déclaration de 1789. Selon ce dernier, « le but de toute association politique est la
conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la
liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression ». Sont donc constitutionnellement protégés ces quatre droits. À partir de là, le Conseil constitutionnel
en a déduit la protection constitutionnelle de ce que l'on pourrait appeler des
« dérivés » de ces droits écrits. Par son interprétation, il a considéré que l'article 2
était à l'origine de la nécessaire protection de la liberté de la femme13 et, parallèlement - même si non simultanément - qu'il imposait également le respect la vie
privée14. Ces deux droits, très différents, qui découlent chacun du même article 2
du fait de l'interprétation du juge constitutionnel, sont des normes de référence
du contrôle de constitutionnalité. Une disposition législative peut donc être censurée pour non-respect de ces principes. Au regard du principe de respect de la vie
privée, une disposition de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence,
dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015, a, par
exemple, été censurée au motif que « le législateur n'a [vait] pas prévu de garanties
légales propres à assurer une conciliation équilibrée entre l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et le droit au respect de la vie privée »15.
On constate alors l'éloignement entre ces deux normes de référence : d'une même
disposition écrite découle à la fois la liberté de la femme et la protection de la vie
privée. Cet exemple permet de démontrer l'étendue de la liberté que le juge constitutionnel s'octroie dans l'exercice de son pouvoir d'interprétation.
L'article 4 de la Déclaration de 1789 protégeant la liberté est à l'origine d'un
certain nombre de déclinaisons, devenues normes de référence. Découlent notamment de l'article 4 selon lequel « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas
à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles
qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces
bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi », la protection constitutionnelle de
la liberté d'entreprendre16, de la liberté contractuelle17 et la liberté d'aller et venir18.
Dans ces cas précis, le juge constitutionnel a donc transposé la notion de liberté dans
divers domaines, le texte d'origine ne faisant que définir ce qu'est la liberté.
13. Cf., par exemple, décision n° 2001-446 DC du 27 juin 2001, Loi relative à l'interruption
volontaire de grossesse et à la contraception, cons. 5.
14. Cf., par exemple, décision n° 2012-661 DC du 29 décembre 2012, Loi de finances rectificative
pour 2012 (III), cons. 8.
15. Décision n° 2016-536 QPC du 19 février 2016, Ligue des droits de l'homme (Perquisitions et
saisies administratives dans le cadre de l'état d'urgence), cons. 14.
16. Cf., par exemple, décision n° 98-401 DC du 10 juin 1998, Loi d'orientation et d'incitation
relative à la réduction du temps de travail, cons. 3 et 26. Si le degré de protection de la liberté
d'entreprendre a évolué au cours des années, son fondement, lui, reste inchangé (v. la note suivante sur
le site du Conseil constitutionnel : www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank_
mm/pdf/Conseil/libent.pdf).
17. Cf., par exemple, décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000, Loi de financement de la
sécurité sociale pour 2001, cons. 37.
18. Cf., par exemple, décision n° 2014-693 DC du 25 mars 2014, Loi relative à la géolocalisation,
cons. 10.

http://www.13.Cf http://www.14.Cf http://www.16.Cf http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank_ http://www.17.Cf http://www.18.Cf

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