Contextes - L’histoire de l’édition juridique (XVIe-XXIe siècle) - 57

LAuRA BeCK VAReLA
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Ce silence ne fut pas toujours de mise. L'œuvre majeure d'Henri- Jean
Martin, qui fut l'un des pionniers, avec Lucien Febvre, de l'histoire du
livre comme champ disciplinaire, a consacré une attention considérable aux
imprimés juridiques7
. Néanmoins, quelques décennies après son ouvrage
L'apparition du livre (1958), lorsque l'histoire du livre et de la lecture
est devenue plus « culturelle » et s'est éloignée des aperçus quantitatifs et
statistiques présents dès son origine, le livre juridique disparaît du récit
de la discipline, comme si le droit ne faisait pas partie de la dimension
culturelle de la société8
.
Dans ce texte, nous explorons quelques aspects concernant le rôle actif
des imprimeurs- libraires dans les différentes dimensions de l'histoire de
l'édition juridique, à partir de quelques exemples centrés sur l'une des
figures essentielles du panorama éditorial européen vers le milieu du
xviie
siècle : l'atelier typographique de la famille lyonnaise Anisson.
Bien qu'habituellement réduite à des facteurs purement économiques,
l'action des imprimeurs s'apparentait à une véritable médiation culturelle
entre les différents univers confessionnaux, au- delà des frontières politiques
et juridictionnelles. Dans ces contextes multiples, nous pouvons identifier
quelques champs d'action, où les imprimeurs se sont révélés fondamentaux
pour définir les usages, les finalités, les formes et la circulation de la
littérature juridique aux xviie
et xviiie
siècles.
en premier lieu, les imprimeurs ont joué un rôle essentiel dans l'ouverture
et la caractérisation des marchés du livre juridique. en ce qui concerne
plus particulièrement les marchés « indispensables » de l'europe catholique,
où les imprimeurs devaient faire face à la présence de la censure civile
et de la censure ex post de l'Inquisition, ceux- ci furent responsables de
la circulation de certaines œuvres (sans aucune participation de l'auteur,
dans la majorité des cas) à travers, par exemple, la préparation d'éditions
expurgées et adaptées. Ces éditions transformées de différentes façons,
utilisant de multiples ressources et stratégies typographiques, révèlent un
grand degré de créativité et de connaissance du lectorat en question, et
ainsi témoignent d'un échange permanent entre imprimeurs et lecteurs.
Grande- Bretagne du xviiie
siècle, les résultats sont assez similaires : la catégorie « politics,
government and law » représente 25 % du total des imprimés (M.-F. Suarez, « Towards a
bibliometric analysis of the surviving record, 1701-1800 », in M.-F. Suarez, M.-L. Turner
(eds.), The Cambridge History of the Book in Britain, Vol. 5: 1695-1830, Cambridge,
Cambridge university Press, 2009, p. 39-65 et surtout p. 47).
7. H.-J. Martin, Livre, pouvoirs et société à Paris au xviie
siècle (1598-1701), Genève, Droz,
1984 [réimpr. de l'éd. de Genève, 1969].
8. V. les réflexions de C. Garriga sur l'« effacement » de la dimension juridique par les
historiens de la politique: « ¿La cuestión es saber quién manda? Historia política, historia
del derecho y puntos de vista », PolHis 10 (a. 5), 2013, p. 89-100.

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