Le développement de la justice constitutionnelle en Europe 1° Si toutes les normes juridiques se trouvent connectées à d'autres normes supérieures, alors quelle est la norme juridique supérieure à la constitution ? Quel est le fondement de la validité de la norme constitutionnelle ? La réponse de Kelsen est la norme fondamentale (ou Grundnorm) : la norme suprême est une norme « supposée suprême ». C'est cette norme fondamentale qui fonde « l'unité d'une pluralité de normes, par le fait qu'elle représente le fondement de la validité de toutes les normes appartenant à cet ordre »1. 2° Puisque la loi est une norme juridique, comment garantir sa validité ? Comment vérifier sa régularité normative par rapport à la norme supérieure ? La réponse de Kelsen se trouve dans le contrôle de constitutionnalité. Sans ce contrôle, la pyramide s'effondre puisque rien ne garantit la validité (donc l'existence juridique) de la loi. La technique du contrôle de constitutionnalité est donc un mécanisme indispensable dans l'ordre juridique. La théorie du droit de Kelsen donne aussi une nouvelle manière de légitimer la justice constitutionnelle. Si une norme peut parfaitement être valide (en vigueur) sans pour autant être conforme à la norme qui lui est supérieure, alors cela pose non pas un problème politique mais un problème juridique : une loi inconstitutionnelle (contraire à la Constitution) empiète sur la compétence d'un organe supérieur au pouvoir législatif (l'organe constituant). Il y a donc une contradiction à ce qu'un acte émanant du Parlement puisse méconnaître un acte émanant de l'organe constituant. Il faut qu'une juridiction spéciale, le juge constitutionnel, puisse dire si une matière relève bien de la compétence de la loi ou de la compétence du constituant. Un tel juge n'est pas un censeur de la loi mais un « aiguilleur » (selon l'expression de Charles Eisenmann). Il indique simplement si le législateur est compétent ou incompétent pour voter telle ou telle loi. En censurant une loi, il explique que la voie législative n'était pas la bonne pour adopter un texte parce que la constitution réservait cette matière à la voie de la révision constitutionnelle. 1. Idem, p. 195. 21