Bibliothèque de droit public - Tome 317 - Sans domicile fixe et droit - 207

LA PROTECTION DES SDF CONTRE LES TIERS

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éventuel des victimes SDF135. Il en résulte deux difficultés. L'indifférence au
consentement est susceptible d'englober les proches des sans-abri dans le champ
de la répression, même en l'absence de tout comportement synonyme d'exploitation, par exemple lorsqu'un SDF verse des subsides à l'un de ses enfants136. En
outre, cette indifférence promeut, au moins indirectement, une conception
« offensive » de la dignité des victimes et avec elles des mendiants. Car si l'exploitation non consentie de la mendicité d'autrui est sans nul doute une atteinte à sa
dignité, il est en revanche beaucoup plus délicat de considérer de façon générale
que la dignité de cette personne est bafouée lorsqu'elle décide sciemment de donner une partie de ses subsides à autrui, sauf à consacrer une présomption tacite
d'indignité de celui qui mendie.
304. La raison d'être de l'indifférence au consentement par le droit pénal et les
arguments pour son maintien. De solides arguments viennent au soutien de l'indifférence au consentement de la victime d'une infraction pénale, que l'on se place
sous l'angle de l'intérêt général ou de la protection de la victime.
L'absence de prise en compte du consentement éventuel présente comme
avantage de dispenser le Ministère public de prouver que le consentement de la
victime était vicié. Cette indifférence permettant de faire l'économie de l'examen
de la réalité et de la qualité du consentement de la victime, elle accroît les possibilités de protéger largement toutes les personnes susceptibles d'être victimes d'un
comportement d'exploitation. Ces arguments probatoires ne sont pas les seuls à
justifier l'absence de consentement exonératoire.
Ce sont également pour des raisons théoriques, qui tiennent à l'indisponibilité de la répression pénale, que le droit pénal est en principe indifférent au consentement de la victime137. La doctrine a ainsi coutume de considérer que « puisque le
droit pénal a « pour but principal d'assurer la satisfaction de l'intérêt général » le
consentement de la victime ne devrait avoir aucune influence sur la répression »138.
Autrement dit, le droit pénal étant d'ordre public et garant de l'intérêt général, le
consentement éventuel de la victime ne constitue pas un fait justificatif susceptible de faire échapper l'agent à l'engagement de sa responsabilité pénale.
305. Une évolution envisageable, voire nécessaire. Cette analyse du consentement
peut néanmoins évoluer et il peut être imaginé que les sans-abri considérés comme
« victimes » de ces comportements donnent une permission aux « auteurs »139.
135. D'ailleurs, lorsque les comportements d'exploitation sont dans le même temps constitutifs
de l'infraction de traite des êtres humains, le droit européen impose aux États Membres de ne pas
prendre en compte le consentement éventuel de la victime, v. article 2.4 de la directive 2011/36/UE du
Parlement et du Conseil du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte
contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes.
136. Cf. aussi infra §307 et s.
137. Sauf, évidemment, lorsque le défaut de consentement de la victime est un élément constitutif
d'une infraction, l'exemple le plus topique étant le crime de viol.
138. Pierre Bouzat cité par R. DOUBLIER, « Le consentement de la victime », in G. STÉFANI
[dir.], Quelques aspects de l'autonomie du droit pénal, Dalloz, 1956, p. 187. V. aussi les conditions que
doivent remplir ce consentement permissif aux yeux de Xavier Pin, X. PIN, Le consentement en
matière pénale, LDGJ, 2002, p. 89 et s. puis p. 108 et s.
139. Xavier Pin considère que l'infraction consentie, soit passivement, soit via une participation,
comporte un « caractère consensuel » et que le consentement donné par la victime qui autorise la
réalisation d'une infraction qui lui porte atteinte est un « consentement permissif », v. X. PIN, Le
consentement en matière pénale, op. cit., spé. p. 51 et p. 63.

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