Bibliothèque de droit public - Tome 317 - Sans domicile fixe et droit - 276

260

SANS DOMICILE FIXE ET DROIT

bien occupé est alors en droit d'obtenir l'expulsion de l'occupant indésirable de
son bien, et donc des sans-abri7.
416. L'encadrement de l'expulsion. L'expulsion est toutefois rigoureusement
encadrée : que le propriétaire soit une personne publique ou une personne privée,
celui-ci ne peut en principe procéder de lui-même à l'évacuation des personnes
installées sur son bien. Dans ce sens, tant le législateur que la jurisprudence
exigent du propriétaire qu'il bénéficie d'un titre l'autorisant à procéder à l'évacuation de ceux qui y sont installés. L'article L. 411-1 du Code des procédures
civiles d'exécution (CPCE) dispose ainsi que « sauf disposition spéciale, l'expulsion d'un immeuble ou d'un lieu habité ne peut être poursuivie qu'en vertu d'une
décision de justice ou d'un procès-verbal de conciliation exécutoire et après signification d'un commandement d'avoir à libérer les locaux ». Le Conseil d'État exige
également du propriétaire public qu'il obtienne du juge le droit d'expulser les
occupants sans titre de son domaine public8.
417. L'exigence de l'intervention d'un juge revêt alors une importance capitale
puisqu'elle garantit la mise en balance des droits du propriétaire avec ceux des occupants sans titre. Pourtant, l'étude du contentieux - même faiblement nourri s'agissant spécifiquement des personnes SDF - montre que la situation de ces dernières
n'est que peu prise en compte (section 1). Du reste, c'est souvent à l'écart des prétoires que sont soldés les problèmes suscités par leur présence (section 2).

SECTION 1
L'EXPULSION DES SDF PAR LE JUGE :
DES CONCILIATIONS DÉFAVORABLES
418. « Il n'est pas un juge digne de ce nom qui, dans les cas où le squattage est
humainement justifié, ne voudrait pouvoir donner raison au squatter et renvoyer avec
pertes et fracas l'individu qui ose s'adresser à lui pour le saisir d'une si mauvaise
cause »9. Cette assertion, davantage morale que juridique, ne résiste pas à l'analyse.
7. Évacuation ou expulsion ? D'emblée, on constate que ces deux termes ont des significations
très proches. « Mise en demeure, plus ou moins violente, de quitter le lieu où on se trouve », la définition
courante du mot « expulsion » rejoint de très près son acception juridique, cette dernière renvoyant à
« l'action de faire sortir une personne, au besoin par la force, d'un lieu où elle se trouve sans droit ». Dans
le même temps, l'évacuation - « action de faire partir, sortir d'un lieu par ordre de l'autorité, de la force
publique, ou par une nécessité quelconque » - désigne « pour l'ensemble des occupants d'un lieu, action
matérielle de le quitter, motus proprio ou sur l'ordre des pouvoirs publics » (Resp. G. CORNU,
Vocabulaire juridique, op. cit., p. 425 ; Trésor de la langue française informatisé) La différence entre
expulsion et évacuation est donc ténue : la première renverrait davantage à une décision, tandis que la
seconde désignerait plutôt une action matérielle.
En droit positif (s'agissant du moins du Code des procédures civiles d'exécution), ces termes ont
été employés indistinctement par le législateur qui visait notamment à l'article L. 411-1 du Code des
procédures civiles d'exécution les conditions d'expulsion ou d'évacuation. Néanmoins, depuis la loi
ALUR, la nouvelle rédaction des textes ne fait désormais plus mention que de l'expulsion (à l'exception
de l'article R. 411-1 du CPCE qui n'a pas été retouché). Cela étant, « évacuation et expulsion sont deux
facettes d'une situation délicate à traiter, soumise à des conditions générales, qu'il faut appeler, comme le
législateur lui-même, l'expulsion » (commentaire sous l'article L. 411-1 du CPCE aux éditions Dalloz),
nous emploierons donc ces deux termes indistinctement dans les développements à suivre.
8. CE, 12 novembre 1955, Cazauran, Lebon p. 537.
9. C. LAPLATTE, Les squatters et le droit, Éditions Alsatia Colmar-Paris, 1956, p. 18.

978-2-275-07829-8__DOCFILE__ranaivo_978-2-275-07829-8_these.indd 260

19/05/2020 14:20:21

Bibliothèque de droit public - Tome 317 - Sans domicile fixe et droit

Table des matières de la publication Bibliothèque de droit public - Tome 317 - Sans domicile fixe et droit