Bibliothèque de droit public - Tome 317 - Sans domicile fixe et droit - 333

Chapitre 2

LES MESURES DISSUASIVES
À L'ENCONTRE DES SDF

498. La meilleure défense contre l'occupation indésirable reste encore
d'empêcher que celle-ci soit possible. Dans cette optique, pouvoirs publics,
entreprises et particuliers s'organisent pour rendre des espaces publics inaccessibles aux personnes sans-abri. Avec l'aide du droit, l'exclusion des personnes
SDF se traduit donc également par le déploiement de mesures préventives
visant à les décourager voire à leur interdire de s'installer ou de se présenter en
certains lieux.
Ces dispositifs dissuasifs sont difficiles à saisir et à systématiser dès lors
qu'ils proviennent d'initiatives éparses, souvent implicites, et de dispositions
juridiques « souterraines »1. La recherche a néanmoins pu identifier deux
grands axes de la dissuasion à l'égard des personnes sans-abri : dans l'organisation de l'aménagement urbain d'une part (section 1) et dans l'utilisation des
pouvoirs de police pour interdire aux populations SDF de stationner d'autre
part (section 2)2.

SECTION 1
LA « VILLE DISSUASIVE »3 POUR LES SDF :
LES MESURES DE PRÉVENTION SITUATIONNELLE
499. « À la fin du dix-huitième siècle, l'architecture commence à avoir partie liée
avec les problèmes de la population, de la santé, de l'urbanisme. Auparavant, l'art de
1. Nous reprenons ici l'expression employée par le Conseil d'État qui qualifie de « droit
souterrain, clandestin, inaccessible, asymétrique » les nombreuses circulaires, directives, instructions et
notes adoptées par les autorités administratives, CONSEIL D'ÉTAT, Sécurité juridique et complexité
du droit, Rapport public, La documentation Française, 2006, p. 276 et p. 330.
2. Si des mesures d'exclusion potentielles se cachent également dans d'autres dispositifs, celles-ci
sont trop isolées pour pouvoir être systématisées. On citera seulement à titre d'illustration, une note
de service adoptée en 2012 par la direction de l'hôpital parisien de l'Hôtel-Dieu. Celle-ci disposait que
les personnes sans-abri ne devaient pas être accueillies aux urgences, sauf dans trois hypothèses : si
elles étaient accompagnées d'enfants, en cas de plan « grand froid », ou - évidemment - en cas de
problèmes de santé. La note invitait les personnels soignants à appeler les forces de police afin de
déloger les SDF récalcitrants qui refuseraient de quitter les lieux. Ici, la mesure d'exclusion résulte des
modalités d'organisation du service public hospitalier.
3. L'expression est empruntée à Daniel Terrolle, D. TERROLLE, « La ville dissuasive : l'envers
de la solidarité avec les SDF », Espaces et sociétés, 2004, n° 116-117, p. 143.

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