Hors collection - Règlement de l'Assemblée nationale commenté - 114

est compétent pour autoriser la levée de l'immunité en matière d'arrestation ou de toute autre mesure
privative ou restrictive de liberté, c'est à l'Assemblée qu'il revient de voter la suspension de la détention,
des mesures privatives ou restrictives de liberté ou de la poursuite d'un député. Le Règlement n'aborde
pas la procédure de levée de l'immunité. C'est notamment l'article 9 bis de l'ordonnance n° 58-1100
du 17 novembre 1958 qui rappelle que l'arrestation ou toute autre mesure privative ou restrictive de
liberté envers un député fait, à peine de nullité, l'objet d'une demande d'autorisation formulée par le
procureur général près la cour d'appel compétente et transmise par le garde des Sceaux, ministre de
la Justice, au président de l'assemblée intéressée. Cette demande indique précisément les mesures
envisagées ainsi que les motifs invoqués. La levée de l'immunité ne concerne plus, depuis la révision
constitutionnelle du 4 août 1995, l'engagement des poursuites judiciaires, un député pouvant être visé
par un réquisitoire introductif d'instance du parquet sans décision préalable du Bureau. Le champ de
l'inviolabilité s'en trouve donc réduit62
.
La levée de l'immunité vise l'arrestation entendue au sens large, à savoir la détention provisoire, la garde
à vue, l'assignation à résidence et l'internement administratif. Est également subordonnée à l'autorisation
du Bureau la révocation du contrôle judiciaire. Ainsi, par exemple, l'autorisation de mise sous
contrôle judiciaire du député Marc Dumoulin précisait « qu'en cas de manquement aux obligations de
contrôle judiciaire, un mandat d'arrêt ou de dépôt ne pourra être délivré à l'encontre du député, que si
le Bureau est au préalable saisi d'une demande d'autorisation d'arrestation »63
. Tel fut d'ailleurs le cas
le 6 novembre 2002, le Bureau autorisant l'arrestation du député qui avait été condamné pour viol, le
17 octobre, par la cour d'assises du Bas- Rhin. Le Bureau peut refuser la levée de l'immunité lorsqu'il
estime que la mesure demandée, par exemple le placement en garde à vue, n'est pas nécessaire au bon
déroulement de l'instruction (fondement des refus du Bureau en 2014 et en 2016 pour les députés
Lionnel Luca ou Paul Giacobbi) ou lorsqu'il considère que la demande n'est pas suffisamment étayée
(cas du refus du Bureau du 15 janv. 2020 concernant le député Max Mathiasin ou encore du refus en
date du 9 déc. 2020 pour le député Benoit Simian).
c) Procédure de suspension des effets d'une décision juridictionnelle. L'article 80 traite exclusivement
de la procédure de suspension des effets d'une décision juridictionnelle qui s'impose à tous. La décision
de suspension, comme celle relative à la demande de levée de l'immunité, est insusceptible de recours
contentieux. Si la suspension vaut pendant toute la durée de la session, la fin de celle- ci n'autorise pas,
selon une lecture très protectrice, la détention du député concerné sans avoir au préalable sollicité une
nouvelle autorisation de levée d'immunité du Bureau de l'Assemblée. Une telle interprétation peut
conduire à prolonger la suspension bien au- delà de la session. Un député peut demander à l'Assemblée
de voter la suspension des poursuites. La proposition de suspension doit être déposée par un parlementaire,
autre que celui visé par la peine, qui est qualifié d'auteur ou de signataire. L'article 16 IGB prévoit
que les demandes de suspension de poursuite, de détention ou de mesures privatives ou restrictives de
liberté sont imprimées sous la forme de proposition de résolution, distribuées et renvoyées à la commission
instituée par l'article 80. La demande de suspension constitue donc une compétence exclusive de
la chambre, quand celle sur la levée de l'immunité émane uniquement de l'autorité judiciaire.
Les termes employés par l'article 80 ont donné lieu à controverses. Quel acte juridique retenir comme point
de départ d'une poursuite judiciaire ou caractéristique d'une restriction à la liberté ? Les appréciations
62. V. la décision de levée de l'immunité de Mme Le Pen du 8 nov. 2017 qui précise que son autorisation porte sur un éventuel
mandat d'amener et non sur un mandat de comparution qui peut s'exercer librement.
63. Décision du Bureau de l'AN du 16 juill. 1998, JO, 17 déc. 1998, p. 19077, cité in C. guérin- bargues, op. cit., p. 387.
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