Hors collection - Règlement de l'Assemblée nationale commenté - 281

Autrement dit, les groupes minoritaires et d'opposition se trouvaient dans la situation paradoxale de
pouvoir obtenir la création d'une commission d'enquête sans pouvoir ensuite diriger effectivement
ses travaux. Cette discordance a cessé d'être seulement en 2019. S'alignant sur la pratique du Sénat
établie depuis la résolution du 13 mai 2015, l'article 143 alinéa 3 a été modifié par celle du 4 juin 2019.
Désormais, le groupe à l'origine de la demande « indique s'il entend qu'un de ses membres exerce la
fonction de président ou celle de rapporteur »112
. Reste que le rapporteur devra toujours compter sur le
soutien des commissaires (principalement issus de la majorité) puisqu'il ne peut exercer ses attributions
d'enquête et d'investigation qu'avec l'assentiment de la commission qui devra ultérieurement faire
siennes ses conclusions afin que le rapport puisse être publié113
.
Prérogatives à la disposition du rapporteur. Celles- ci ne sont pas fixées par le règlement de l'Assemblée
nationale mais directement par l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958.
Avant d'aller plus loin, le rapporteur est en droit, sans support textuel, de recourir à tous les moyens
susceptibles de mener à bien ses investigations. Libre donc à lui de décider d'effectuer, avec des
membres de la commission, des visites de terrain, des déplacements à l'étranger, de rencontrer toute
personne susceptible de l'éclairer, d'organiser les auditions sous la forme de tables rondes, d'effectuer
des demandes de contributions écrites, d'adresser des questionnaires, de prévoir une participation des
citoyens en ligne, de recourir à l'assistance d'un cabinet d'expertise comptable ou encore de demander
à la Cour des comptes de procéder à une enquête. Au- delà, l'ordonnance de 1958 lui confère des
prérogatives précises.
Elle indique d'abord que les rapporteurs « exercent leur mission sur pièces et sur place. Tous les renseignements
de nature à faciliter cette mission doivent leur être fournis. Ils sont habilités à se faire communiquer
tous documents de service, à l'exception de ceux revêtant un caractère secret et concernant la défense
nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l'État, et sous réserve du respect
du principe de la séparation de l'autorité judiciaire et des autres pouvoirs ».
Les difficultés rencontrées sur le terrain restent rares et les sanctions prévues par l'ordonnance (le refus de
communiquer les documents est passible de deux ans d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende)
n'ont jamais été sollicitées. Quelques incidents isolés, concernant généralement des sénateurs, sont à
relever : tels des refus émanant d'une administration centrale de communiquer des documents à un
rapporteur souhaitant exercer sa mission sur pièces et sur place114
ou souhaitant seulement exercer
son droit à communication115. Il est parfois arrivé que la notion, assez indéterminée, de « documents
de service » visés par l'ordonnance fasse l'objet d'interprétations divergentes entre le rapporteur et
112. Il est à relever que le poste de rapporteur n'est pas systématiquement choisi. V., par exemple, les commissions sur les obstacles
à l'indépendance du pouvoir judiciaire (AN, doc. parl., n° 3296, 2 sept. 2020) et sur l'affaire Sarah Halimi (préc.). Si la démarche
consensuelle est recherchée, des désaccords peuvent survenir, notamment sur le choix des personnes à auditionner. Le rapporteur,
dès lors qu'il a le soutien de la commission, peut s'opposer aux demandes formulées par le président (v. la commission sur l'affaire
Sarah Halimi, préc.).
113. V. en ce sens les rejets de rapport sur le financement des organisations syndicales (Assemblée nationale, 2011) et sur le détournement
du crédit d'impôt recherche (Sénat, 2015).
114. V. les annexes n° 1 à 3 du rapport de la commission d'enquête sur les conséquences des 35 heures de travail (S., doc. parl.,
n° 279, 10 févr. 1998).
115. V. les refus initiaux des services de la présidence de la République de communiquer les bulletins de paie et la fiche de poste
d'Alexandre Benalla (S., doc. parl., n° 324, 20 févr. 2019, p. 101). V. aussi celui de l'administration pénitentiaire de communiquer
la liste des coordonnées des chefs d'établissement (AN, doc. parl., n° 4906, 12 janv. 2022, p. 15).
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