Bibliothèque de droit public - Tome 318 - Le principe de liberté en droit public français - 81

LA LIBERTÉ AU PRINCIPE DE L'ORDRE JURIDIQUE

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La liberté prend alors un autre sens : elle n'est plus une soumission volontaire à la
nature, mais usage de la raison et de la volonté, pour s'arracher de l'être  ; elle
devient alors, dans l'ordre des idées, le fondement du droit. La liberté est donc au
principe du droit naturel moderne116. Par ailleurs, le droit n'est que dans la loi
posée. Le jusnaturalisme moderne construit les bases du juspostivisme, jusqu'à ce
que celui-ci récuse le droit naturel. Ce changement de rapport au droit et à la
liberté s'illustre bien dans la Déclaration des droits de l'Homme de 1789, acte
fondateur de la Modernité juridique en France. Jusqu'ici ont été présentés l'esprit
et les principes doctrinaux ou dogmatiques du droit naturel moderne, mais son
éclosion véritable en droit prend forme dans la Déclaration des droits de l'Homme
et du Citoyen.
B. LA DÉCLARATION DES DROITS DE L'HOMME ET DU CITOYEN :
UNE NOUVELLE CONCEPTION DE LA LIBERTÉ
179.  Le jusnaturalisme moderne a peu à peu laissé la place au juspositivisme,
en lui fournissant les bases de son existence. Il faut donc bien exposer la manière
dont ce passage s'est opéré subrepticement.  La Modernité est à l'origine de la
construction d'un nouvel ordre juridique fondé sur une nouvelle anthropologie
(1), qui change le sens de la liberté mais modifie aussi sa place au regard du droit ;
elle devient un véritable principe, qui pourrait être appelé « principe-fondement »
du droit (2).
1.	 Une nouvelle vision de l'ordre politique, juridique et social
a)	 Le nouvel ordre posé par la Déclaration des droits de l'homme
et du Citoyen de 1789117
180.  La volonté de rupture. Les Lumières sont à l'origine d'un mouvement de
pensée rompant avec la primauté du recours aux autorités classiques pour mettre
en place un mode de pensée fondé sur la liberté et la raison afin de sortir « l'homme
hors de l'état de minorité, où il se maintient par sa propre faute »118. Ils s'étaient
donnés comme objectif d'éclairer le peuple par l'usage de la raison. Cette philosophie des Lumières, ce culte de la Raison par l'usage de la pensée, ces valeurs
promues de liberté et d'égalité ont débouché sur la Révolution française119. En
1789, est alors fondé un nouvel ordre social, politique et juridique, reposant sur
les droits de l'homme. La Révolution française fait passer d'une politique de la
116. V.  Infra.
117. La Révolution de 1789 a été choisie comme référence car elle marque un tournant dans
l'histoire politique et juridique, elle ouvre une ère nouvelle, et est le symbole de la concrétisation
Modernité qui commence autour de 1492, mais 1789 est la marque de la rupture avec l'Ancien Régime,
d'un mode de société hiérarchisée, d'une liberté conçue comme privilège.
118. E. Kant, « Réponse à la question qu'est-ce que les Lumières », Critique de la faculté de juge,
Gallimard, Coll. Folio essais, 1985, p.497.
119. Il faut néanmoins poser une réserve : malgré une volonté de réformer l'Ancien Régime, les
Lumières n'ont pas entendu opérer une refonte radicale du système par la Révolution. En effet, comme
l'écrit Morellet : « Les philosophes, n'ont voulu ni faire tout ce qu'on a fait, ni l'exécuter par tous les
moyens qu'on a pris, ni l'achever en aussi peu de temps qu'on y en a mis. En d'autres termes, la
philosophie n'a ni conseillé les iniquités et les extravagances qu'on a mêlées à la cause de la liberté, ni
voulu qu'on appelât un peuple ignorant et féroce à faire une constitution, ni que les changements les
plus justes et les plus nécessaires se fissent avec une précipitation qui néglige toutes les précautions de
la prudence », A. Morellet, Apologie de la philosophie contre ceux qui l'accusent des maux de la
Révolution, in Mélanges de littérature et de philosophie du XVIIIe siècle, t.4, 1918, p. 308.

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