Droit des affaires - Le contrat au XXIe siècle - 155

NOUVEAUX PROBLÈMES 155

90. Signature des contrats multipartites : la question de la représentation. En
marge de la capacité, la question de la représentation a fait l'objet d'une
entrée remarquée dans le Code, ce qui est heureux pour la formation des
contrats nouveaux. La question n'était évidemment pas inconnue du droit
français, mais elle ne concernait le droit des contrats que de façon partielle,
la thématique étant bien plus globale.
On n'en est plus là avec les articles 1153 et suivants, dont l'existence procure une satisfaction de principe, qui ne s'étend hélas pas au détail des différentes dispositions. Il est bon que l'ordonnance de 2016 ait tracé quelques règles claires regardant la représentation. On regrette toutefois que
la volonté de légiférer d'un seul tenant pour toutes les sources, dans quelques normes contractuelles, obscurcisse la réglementation. On déplore également que la réforme ait été menée sans égard pour la situation particulière du mandat, ce qui est susceptible de susciter des conflits de règles.
Mais il fallait envisager la question de la représentation de façon nouvelle :
la démultiplication du nombre des parties rend impossible les processus
classiques de conclusion du contrat, qui supposent une présence physique
commune des contractants, devenant impossible à mesure que leur nombre
s'élève - que l'on songe à l'impalpable rencontre des volontés ou à une
signature commune. Dès lors, le passage par l'idée de représentation
devient, sinon une véritable nécessité, du moins une commodité certaine
en ce qu'elle facilite un processus à défaut exagérément complexe, et toujours incertain.
La nécessité de délégations de signatures multiples est une nécessité pour
les contrats pluripartites77. L'article 1161 en avait menacé la possibilité dans
sa première version : « le représentant ne peut agir pour le compte de plusieurs parties au contrat en opposition d'intérêts ni contracter pour son
propre compte avec le représenté ». Certes, la nullité à laquelle le contrat
se trouvait exposé était tempérée par une possibilité de sauvetage, tenant à
la possibilité pour le représenté de l'autoriser ou de la ratifier par la suite. Il
reste que la mauvaise foi de l'un des signataires lui ouvrait ainsi une échappatoire facile, que la loi de ratification du 20 avril 2018 a bloquée en limitant la restriction aux seules personnes physiques78.
77. La pratique américaine résout le problème par la clause de counterpart : elle prévoit que l'instrumentum peut valablement résulter du texte de contrat, auquel sont adjointes des pages de
signature séparées, émanant de tous les intéressés dont les volontés ne se sont donc pas rencontrées au moment de l'apposition de chacune d'elles. Dans la transposition de la pratique
française, cette collation des signatures est comme régularisée par l'envoi d'un message constatant la signature du contrat, avec possibilité d'opposition individuelle. C'est au fond ce dernier message, joint au constat de non-opposition, qui vaut preuve de la signature commune.
Reste à savoir comment on agirait en justice, si l'instrumentum devait être déclaré insuffisant...
78. Contra. Fl. DEBOISSY et G. WICKER, « La modification de l'article 1161 du Code civil par le Sénat.
La réglementation des conflits d'intérêts victime du lobbying », JCP E 2017.1664.

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