Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 155 - Les Français de l'étranger comme catégorie politique - 69

Histoire du lien

savoir, français d'après nos lois, mexicains, brésiliens, argentins, péruviens, américains du Nord selon les lois du pays qui les a vu naitre »108.
194. L'origine de ce débat renvoie au contrôle de la population susceptible
de défendre la nation. Selon le Code civil, un Français qui n'a pas l'âge de porter
les armes, peut acquérir une nationalité étrangère mais perd alors la nationalité
française. Une éducation en France est considérée comme une possibilité d'éviter que cette option soit exercée. Par contre, une fois qu'il est en âge de porter
les armes, une autorisation devait être demandée pour acquérir la nationalité du
pays de résidence. Elle n'était, en réalité, pas sollicitée, et les hommes étaient de
fait binationaux. Déclarés insoumis s'ils rentraient en France, ils étaient passibles des tribunaux.
195. A. Honnorat, s'oppose à cette condamnation potentielle qui empêche
de donner une éducation française, facteur de développement économique pour
la France à l'étranger. La solution préconisée est d'accorder la dispense de service
militaire dans les communautés françaises à l'étranger. À l'inverse, le ministère de
la Guerre veut maintenir un contrôle sur cette population française en âge de
combattre. Le Quai d'Orsay s'y oppose. Le Conseil d'État, consulté sur cette
divergence, renvoie la question au législateur : c'est à lui de décider si « des motifs
tirés de l'intérêt général » peuvent permettre de traiter différemment ceux qui
résident en France et à l'étranger109. Le débat va durer plusieurs années.
196. En 1928 la loi sur le recrutement dans l'armée règle la question en généralisant le principe des accords mutuels avec les pays étrangers. Le service militaire, qui renvoie à la responsabilité que les membres d'une même nation ont les
uns envers les autres, peut être effectué sous le contrôle d'un autre État. Dissocié
du territoire à défendre, il rend la solidarité plus abstraite puisque les jeunes soldats ne viennent plus participer, pendant quelque temps, à la vie de la société
française. La conception de la souveraineté ne renvoie plus à une obligation dans
l'armée française alors que le rôle, et donc la dette vis-à-vis des combattants français de l'étranger, a été un argument central pour instaurer un droit social. C'est
une nouvelle inflexion de la territorialité des lois qui intervient pour prendre en
compte la situation des Français de l'étranger.

§ 7. « LA GLOIRE DE LA FRANCE »
197. Avec la création de l'Union des Français de l'étranger (UFE) c'est de
l'ensemble de ces Français, et non plus seulement des enfants, dont il va être
question. Fondée en 1925, cette association « défend les intérêts de tous les
Français hors de France » s'appuyant sur un discours d'unité et d'amour de la
patrie. Son objectif est de remédier à la dispersion apparente « de ces groupements de Français sans liens ni cohésion, dont nul ne se soucie et auxquels on
ne songe qu'exceptionnellement »110. Alors qu'en fait ils sont étroitement unis
par « l'amour de la France, non pas une affection aveugle instinctive, irraisonnée, mais un amour d'autant plus ardent qu'il est clairvoyant, d'autant plus
108. Gazette des Alpes, Journal de défense républicaine, 5 août 1922.
109. Archives nationales, A. Honnorat, 50 AP/64, J. Heilbronner, rapporteur du texte au Conseil
d'État, lettre à A. Honnorat, 10 février 1924.
110. La voix de France, 1930, septembre.

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