Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 155 - Les Français de l'étranger comme catégorie politique - 70

LES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER COMME CATÉGORIE POLITIQUE

agissant qu'il se double d'une critique objective et sévère. Ils sont inspirés par le
même patriotisme et la même objectivité. »111
198. L'UFE veut fédérer les nombreuses associations qui existent localement pour faire mieux entendre en France ce « million de Français, [qui] propagent notre langue dans les pays étrangers, font connaitre les produits de nos
industries et font aimer la France dans le monde entier »112. Si la Première Guerre
mondiale a été le facteur d'unité de ces « colonies », il s'agit maintenant de guerre
économique. Entrée dans une nouvelle phase de son histoire, la France doit
conquérir des marchés extérieurs. La défense de ses intérêts économiques et culturels n'est pas moins glorieuse que ses opérations de guerre. Dans cette perspective,
la France se projette hors de son territoire : l'ensemble des Français, où qu'ils
résident, et non plus seulement en métropole, est concerné, d'où l'expression « la
plus grande France ». Aussi toute distinction en termes de droits doit-elle être
supprimée entre eux, d'autant qu'en prenant conscience de leurs devoirs durant la
guerre, « les Français de l'extérieur » se sont aussi intéressés à leurs droits. Mais
ces préoccupations ne se sont pas prises en compte par le pouvoir politique. La
métaphore de la parenté est utilisée pour critiquer la « mère indifférente [qui] ne
fait rien pour retenir et ramener à elle ses enfants éloignés »113. Conséquence de
cette attitude, de nombreux jeunes Français prennent la nationalité du pays de
résidence. Faute de maintenir un lien par la reconnaissance des droits, c'est le
dépérissement assuré des « colonies sans pavillon », terme utilisé pour désigner
les groupes de Français vivant à l'étranger, c'est-à-dire dans les pays où ne flotte
pas le drapeau français.
199. Qui sont ces associations rassemblées dans l'UFE ? Lors de sa création
elle s'appuie sur la Ligue maritime et coloniale. C'est alors la principale organisation défendant la politique coloniale. Subventionnée par les pouvoirs publics
et les sociétés maritimes, elle relaie dans l'opinion les positions du groupe colonial, l'un des plus importants de la Chambre des députés. Mais dans les années
1920, « L'empire colonial a atteint son dernier stade d'achèvement et le parti
colonial a perdu sa raison d'être en tant que lobby expansionniste, il doit se
convertir dans la gestion coloniale »114. L'UFE va reprendre la double thématique de la grandeur coloniale, qui s'appuie d'une part sur le rôle joué pendant la
guerre et d'autre part sur son rôle économique. Ainsi la Ligue maritime et coloniale peut-elle, en soutenant les Français à l'étranger, diversifier son action et
continuer à relayer « L'inquiétude, alors si fortement sentie et si souvent exprimée, que la France ne puisse plus conserver dans le monde contemporain son
rang traditionnel de grande puissance.115 »
200. D'autres organisations sont concernées : les Chambres de commerce
françaises à l'étranger, représentant des entrepreneurs français à l'étranger, qui
financent leur fonctionnement. Elles se présentent comme acteurs de l'expansion
économique française et comme sources d'information pour les pouvoirs publics.
L'UFE va calquer son modèle d'intervention sur le leur : il s'agit d'établir « avec
les pouvoirs publics des liens de collaboration méthodique, régulière, confiante »
111. La voix de France, 1934, mai, p. 3.
112. Archives nationales, A. Honnorat, 50 AP/ 63,1931.
113. La voix de France, 1928, septembre, p. 5.
114. M. Michel, 2007, p. 475.
115. R. Girardet, 1968, p. 1094.

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