Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie - 100

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LES ÉCHELLES DU LEVANT ET DE BARBARIE

C'est-à-dire que si l'ordre portoit de n'acheter que vingt pièces d'étoffes, il n'en
faut pas acheter vingt-cinq ; si l'on demande une qualité de marchandise, il
n'en faut pas acheter d'une autre sorte ; si on demande l'incarnadin, que ce ne
soit pas du couleur de feu ; si le commettant marque qu'il la désire de six livres
l'aune, n'en acheter pas à sept livres, encore qu'elle fût très bonne et belle pour
ce prix, parce que ce n'est pas à un commissionnaire à pénétrer les sentimens et
les raisons du commettant, ainsi il faut s'attacher autant que l'on peut au pied
de la lettre79.
173.  Dans la suite de son développement, le juriste angevin nuance toutefois
son propos en ajoutant qu'au cas où la différence de prix serait négligeable -  par
exemple, quelques sols par aune  -, on ne doit néanmoins pas considérer que le
commissionnaire a outrepassé ses ordres80.
174.  L'ordre est qualifié d'« ordre libre » si le commettant ne donne aucune
directive particulière au commissionnaire pour l'exécution des clauses du
contrat. Il peut notamment confier au commissionnaire le soin de disposer de la
marchandise « comme si elle estoit sienne, ou comme il lui plairra, ou en autres
termes qui expriment une liberté d'agir »81. L'ordre est à l'inverse qualifié d'« ordre
simple », lorsqu'il porte sur une opération déterminée. Si le commettant charge,
par exemple, son commissionnaire de strictement vendre une marchandise donnée, celui-ci ne pourra ni la vendre à crédit82, ni l'échanger contre une autre83.
Lorsque les ordres sont dits « libres », le commissionnaire doit s'en tenir à la
bonne foi dans leur exécution. Celui qui a, par exemple, reçu un ordre général de
vente ne peut notamment ni acheter lui-même la marchandise du commettant84,
ni la vendre à vil prix, à moins que la denrée soit périssable85.
175.  Dans le cas d'une vente par commission, le commissionnaire ne supporte en principe pas le risque d'insolvabilité des débiteurs86, à moins qu'il ait
commis une faute en « vendant à une personne descreditée »87 ou n'ait pas recouvré la créance à temps88. Toutefois, la liberté des parties prime : elles peuvent, en
contrepartie d'une rémunération plus élevée, choisir de faire peser ce risque sur le
79. J. Savary, Le parfait négociant, chap. 56 (éd. cit., t. II, p. 148-149).
80. J. Savary, Le parfait négociant, chap. 56 (éd. cit., t. II, p. 149).
81. De Lorme, Traité sur la marine. Usage et coutumes du commerce de Marseille, V, 12 (Paris,
BNF, Cinq cents de Colbert, 200, fol. 128-128v).
82. De Lorme, Traité sur la marine. Usage et coutumes du commerce de Marseille, V, 10 (Paris,
BNF, Cinq cents de Colbert, 200, fol. 127).
83. De Lorme, Traité sur la marine. Usage et coutumes du commerce de Marseille, V, 11 (Paris,
BNF, Cinq cents de Colbert, 200, fol. 127v).
84. De Lorme, Traité sur la marine. Usage et coutumes du commerce de Marseille, V, 12 (Paris,
BNF, Cinq cents de Colbert, 200, fol. 128v).
85. De Lorme, Traité sur la marine. Usage et coutumes du commerce de Marseille, V, 12 : « Si la
marchandise estoit périsable et sujette à se gâter, la nécessité de vendre excuse le commissionnaire à
quelque prix qu'il l'ait vendue, ayant conservé ce prix qui auroit péri avec la marchandise » (Paris,
BNF, Cinq cents de Colbert, 200, fol. 128v-129).
86. Sur cette question, voir notamment l'arrêt du parlement de Provence rendu le 12 janvier 1638
rapporté par H. de Boniface, Arrests notables de la Cour de parlement de Provence, Cour des comptes,
Aydes et finances du même païs, IV, 14, 1 (éd. Lyon, Horace Molin, 1708, t. II, p. 251). Le parlement
de Toulouse consacre la même solution, voir J.-B.  Denisart, v°  Commissionnaire, Collection de
décisions nouvelles et de notions relatives à la jurisprudence actuelle (éd. cit., t. I, p. 139).
87. De Lorme, Traité sur la marine. Usage et coutumes du commerce de Marseille, V, 12 (Paris,
BNF, Cinq cents de Colbert, 200, fol. 129).
88. Rogue, Jurisprudence consulaire et instruction des négociants, chap. 60 (éd. cit., t. II, p. 290).

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