Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie - 117

Le cadre de l'action commerciale collective

105

- égociants qui ont contracté des mariages mixtes dans les échelles du Levant et
n
leur descendance « de toutes les charges et administrations publiques du corps de
la nation, mesme d'estre admis en assemblée »64. Ce texte défend de surcroît à
ceux ayant épousé, avant l'âge de trente ans, des ressortissantes françaises sans le
consentement de leurs parents, de siéger dans les assemblées65. Cette dernière disposition apparaît une fois encore justifiée par les effets d'un tel mariage sur le
patrimoine du négociant, comme le relate le comte de Volney :
L'intention de cette loi a pu être bonne, les échelles n'étant le plus souvent composées que de jeunes facteurs et commis célibataires, l'on a voulu
prévenir les dangers que courroit avec eux un homme marié. En outre, ces
jeunes gens arrivant sans fortune, on a voulu les empêcher de s'arrérer en
contractant des mariages nécessairement onéreux dans un pays où les femmes
sont sans biens et où l'on ne trouve le plus souvent à épouser que la fille du
boulanger, du blanchisseur ou de tout autre ouvrier de la nation66.
211.  Deux ordonnances des 20 juillet 1726 et 25 août 1728 renforcent le dispositif de lutte contre les mariages mixtes. La première étend le domaine d'application du texte de 1716 à tous les sujets du roi de France mariés avec « des filles
ou veuves, estrangères ou du pays, sujettes ou non sujettes du grand seigneur ou
des puissances des républiques de Barbarie, même avec des Françoises d'origine
ou nées dans le Levant et lesdites républiques »67. Par crainte que ces marchands,
par esprit de collusion avec des sujets ottomans, ne servent de prête-noms aux
étrangers pour qu'ils importent des marchandises dans le royaume, les enrichissant ainsi au détriment de la nation, la seconde interdit par conséquent aux
contrevenants et à leurs enfants d'exercer une activité commerciale sur le territoire français, sous peine de confiscation des marchandises et de trois mille livres
d'amende68, tout en renouvelant leur exclusion des assemblées69. L'ordonnance de
1781 prévoit quant à elle l'expulsion des Français ayant contracté un mariage
dans les échelles. Le roi se réserve toutefois le droit d'accorder des dérogations
64. Ordonnance qui exclut de toutes charges et administrations publiques et des assemblées du corps
de la nation dans les eschelles du Levant, les négocians françois qui y épousent des filles ou veuves nées
sous la domination du grand seigneur, 11 août 1716 (éd. cit., p. 4).
65. Ordonnance qui exclut de toutes charges et administrations publiques et des assemblées du corps
de la nation dans les eschelles du Levant, les négocians françois qui y épousent des filles ou veuves nées
sous la domination du grand seigneur, 11 août 1716 (éd. cit., p. 4). Cette limite d'âge a été fixée à la
demande de l'intendant du commerce du Levant, Pierre-Cardin Lebret, Lettre de Lebret, intendant du
commerce du Levant, à Pontchartrain, 28 janvier 1709 (éd. A. Pouradier Duteil-Loizidou, Consulat
de France à Larnaca..., op.  cit., t.  VI, p.  48). Voir aussi la réponse du ministre dans la Lettre de
Pontchartrain à Lebret, intendant du commerce du Levant, 27 février 1709 (éd. A. Pouradier DuteilLoizidou, Consulat de France à Larnaca..., op. cit., t. VI, p. 56). En l'espèce, Lebret fait ici référence
à l'interdiction des mariages clandestins qui résulte de l'ordonnance de Blois : Ordonnance rendue sur
les plaintes et doléances des États-généraux assemblés à Blois en novembre 1576, relativement à la police
générale du royaume, mai 1579, art. 40-42 (éd. F.-A. Isambert, Decrusy, A.-H. Taillandier, Recueil
général des anciennes lois françaises..., op. cit., t. XIV, p. 391-392).
66. C.-F. Chassebœuf de La Giraudais, Considérations sur la guerre actuelle des Turcs (éd. cit.,
p. 85).
67. Ordonnance qui deffend à tous François de se marier dans les échelles de Levant, 20 juillet 1726,
art. 1er (éd. Paris, Imprimerie royale, 1726, p. 2 [Paris, BNF, rec. fac., F-21240 (44)]).
68. Ordonnance qui exclut de la faculté de négocier en France et des privilèges du corps de la nation,
les François qui se marieront dans les eschelles du Levant, 25 août 1728, art. 1-2 (éd. Paris, Imprimerie
royale, 1728, p. 2-3 [Paris, AN, AE, BIII 192, pièce 78]).
69. Ordonnance qui exclut de la faculté de négocier en France et des privilèges du corps de la nation,
les François qui se marieront dans les eschelles du Levant, 25 août 1728, art. 3 (éd. cit., p. 3).

978-2-275-08394-0__DOCFILE__corpus.indd 105

15/12/2020 11:56:47
Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie

Table des matières de la publication Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie
