Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie - 124

112

LES ÉCHELLES DU LEVANT ET DE BARBARIE

de faute génératrice d'avanie est encore évoquée dans un projet de règlement pour
les échelles du Levant, jamais entré en vigueur, rédigé par les représentants de la
Chambre de commerce de Marseille en 1666106. Elle est finalement reprise par
l'article 2 de l'ordonnance royale du 25 décembre 1685. Cette disposition précise
que la responsabilité des avanies doit être supportée par les particuliers, lorsque
l'avanie est consécutive à une faute qu'ils ont commise107.
227.  En vertu des articles 3 et 4 du même texte, les avanies portant sur des
particuliers insolvables sont acquittées par le corps de la nation. Ces particuliers
demeurent néanmoins tenus de rembourser la nation. Pour ce faire, ils font tout
d'abord l'objet d'une contrainte par corps dans la prison du consulat pendant
trois mois108, puis, ce délai échu, ils sont renvoyés à Marseille où la Chambre de
commerce est chargée d'exercer les poursuites devant les juridictions ordinaires109.
Au-delà des implications pécuniaires110, ces dispositions tendent à l'exemplarité :
en rendant les particuliers responsables des avanies qu'ils provoquent, elles les
encouragent à se comporter avec diligence dans la conduite de leurs affaires111.
228.  Un mémoire relatif aux avanies, rédigé en 1761 par la Chambre de commerce, recense les principales fautes susceptibles d'engager la responsabilité personnelle des Français établis dans les échelles du Levant :
Les avanies personnelles, et à la charge de ceux qui les éprouvent, sont
celles qui proviennent des dangers auxquels les François s'exposent dans des
voyages faits par pure curiosité, dans des parties de chasse et de plaisir, souvent faites mal à propos et sans précaution, ou par des intrigues avec des
femmes du pays112. [...] Elles proviennent encore des liaisons d'affaires que
(Marseille, ACCIM, J 96). Le parlement de Provence, saisi du litige, relève la faute des particuliers,
Extrait des registres du Parlement, 7 décembre 1662 : « Vu par la Cour le verbal fait par le consul de la
nation françoise à Seide sur la faute et crime commis par Denis Agneau et Anthoine Bleau audit
Seide » (Marseille, ACCIM, J 96) ; avant de les condamner à rembourser solidairement le montant de
l'avanie au corps de la nation de Seyde, voir l'Extrait des registres du Parlement, 11  janvier  1663
(éd. s. l., s. e., 1663, p. 1 [Marseille, ACCIM, J 96]).
106. Règlement à demander au roy pour le bien du commerce de Levant et de tout le royaume, 1666,
art. 30 (Marseille, ACCIM, J 1557, fol. 5).
107. Ordonnance sur le commerce du Levant, 25 décembre 1685, art. 2 (éd. s. l., s. e., 1685, p. 1
[Paris, AN, AE, BIII 192, pièce 4]). Cette ordonnance promulguée par Louis XIV est issue d'un projet
rédigé par l'intendant de Provence, Thomas-Alexandre Morant.  À ce sujet, voir les travaux
préparatoires de l'ordonnance : Extrait du mémoire pour servir au règlement à faire pour le payement
des avanies qui surviennent en Levant et sur l'establissement des députez, 3 septembre 1685 (Paris, AN,
AE, BIII 235, pièce 26, fol. 1) ; Mémoire sur le règlement à faire pour le commerce, 8 octobre 1685 (Paris,
AN, AE, BIII 235, pièce 59, fol. 1 et 3).
108. Ordonnance sur le commerce du Levant, 25 décembre 1685, art. 3 (éd. cit., p. 1).
109. Ordonnance sur le commerce du Levant, 25 décembre 1685, art. 4 (éd. cit., p. 1).
110. Observations de la Chambre du commerce de Marseille sur les avanies du Levant, 23 décembre
1761 : « Il nous paroît donc, [avec] l'approbation de Monsieur le comte de Choiseul, que si on ne
sauroit user d'une trop grande rigueur envers les coupables, il est juste de ne pas faire suporter à des
Français innocens et irrépréhensibles, la peine ou les frais des avanies personnelles qu'ils n'ont pas
méritées, parce que les dépenses que la nation assemblée autorise en pareille occasion sont faites pour
l'utilité commune » (Marseille, ACCIM, J 1560, fol. 4).
111. Lettre de Maurepas à la Chambre de commerce de Marseille, 19  juin  1746 « S'il en étoit
autrement, la plupart des négocians qui y commercent seroient fondés à demander d'être relevés des
pertes qu'ils essuyent, les mauvaises affaires se multiplieroient et la caisse du commerce seroit bientôt
épuisée » (Marseille, ACCIM, J 1610, fol. 1v-2).
112. Les avanies provoquées par des affaires de mœurs sont assez fréquentes dans les échelles. Voir,
par exemple, l'avanie causée par un garçon boulanger de la nation française de Seyde, surpris en compagnie

978-2-275-08394-0__DOCFILE__corpus.indd 112

15/12/2020 11:56:48
Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie

Table des matières de la publication Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie
