Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie - 14

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LES ÉCHELLES DU LEVANT ET DE BARBARIE

chrétien et l'Orient musulman sont marqués par un fort antagonisme culturel et
religieux, se manifestant tout particulièrement au travers des croisades7.
Paradoxalement, cette période d'affrontements favorise l'essor du commerce
-
méditerranéen8, avec la création par les principales cités italiennes de comptoirs
commerciaux au Levant et en Afrique du nord9. Dans le sillage des armées
-croisées, de nombreux marchands européens s'installent ainsi dans les places de
commerce byzantines, mais également arabes ou turques, pour assurer l'approvisionnement de l'Europe en marchandises orientales10. La rhétorique de la -croisade
contre l'infidèle turc se maintient d'ailleurs dans les cours européennes aux xvie et
xviie siècles, sans toutefois conduire à des affrontements directs11.
3.  Profitant du déclin des cités italiennes à l'Époque moderne, les puissances
maritimes émergentes comme la France, l'Angleterre ou la Hollande accèdent à
leur tour aux marchés turcs. Les premières relations commerciales entre la France
et l'Empire ottoman se développent ainsi dès le début du xvie siècle. Pour contrer
les ambitions hégémoniques de Charles Quint et de la maison Habsbourg12,
-François Ier conclut une alliance militaire -  l'« alliance impie »  - avec Soliman13.
À cette occasion, les sultans turcs octroient également des privilèges commerciaux
aux Français que les juristes occidentaux qualifient alors de capitulations. En
s'appuyant sur ces textes, les négociants provençaux fondent des établissements
commerciaux dans les principales villes de l'Empire ottoman qui domine désormais un immense territoire s'étendant des Balkans à Alger.
4.  Ces cités14 sont désignées sous le terme générique d'échelles, issu du latin
scala (escalier) qui évoque probablement les jetées sur pilotis composées de
7. Sur la notion juridique de croisade, se référer à la thèse de M. Villey, La croisade. Essai sur la
formation d'une théorie juridique, Paris, Vrin, 1942.
8. Sur le commerce dans le monde musulman à l'Époque médiévale, voir notamment T. Bianquis
et P. Guichard, « Islam, religion des frontières et des échanges », Genèse des marchés, éd. F. Bayard,
P. Fridenson et A. Rigaudière, Paris, CHEFF, 2015, p. 171-183.
9. L'exemple des comptoirs vénitiens a notamment été traité par M. Costantini, Una Repubblica
nata sul mare. Navigazione et commercio a Venezia, Venezia, Marsilio, 2006.
10. On peut regretter l'absence de bibliographie récente consacrée spécifiquement au commerce
médiéval avec l'Orient. Pour un aperçu détaillé du commerce méditerranéen à l'Époque médiévale, se
reporter aux anciennes monographies publiées par G.-B.  Depping, Histoire du commerce entre le
Levant et l'Europe depuis les croisades jusqu'à la fondation des colonies d'Amériques, Paris, Imprimerie
royale, 1830, 2 t. et W. Heyd, Histoire du commerce du Levant au Moyen Âge, Leipzig, Harrassowitz,
1885-1886, 2 t. ; L. de Mas Latrie, Relations et commerce de l'Afrique septentrionale ou Maghreb avec
les nations chrétiennes au Moyen Âge, Paris, Firmin Didot, 1887.
11. Ces éléments de discours ont plus particulièrement été analysés par G. Poumarède, Pour en
finir avec la croisade. Mythes et réalités de la lutte contre les Turcs aux XVIe et XVIIe siècles, Paris, PUF,
2009, p. 7-196.
12. M.-V. Martinez, « La lutte pour l'hégémonie : Charles Quint et François Ier », Charles Quint
et la monarchie universelle, éd.  A.  Molinié-Bertrand et J.-P.  Duviols, Paris, PUPS, 2001,
p. 169-182.
13. É.  Garnier, L'alliance impie. François Ier et Soliman le Magnifique contre Charles Quint,
Paris, Le Félin, 2008. Pour un aperçu plus large des relations internationales, voir J.  Bérenger,
Habsbourg et Ottomans (1520-1918), Paris, Honoré Champion, 2015.
14. Dans l'Empire ottoman, les français s'établissent dans les villes suivantes : Patras, Naples de
Romanie (Nauplie), Athènes, Négrepont (Chalcis), Cavalle (Kavala), Chios, Rhodes, Mételin
(Mytilène), Milo (Adamas), Fine, Miconi (Mikonos), Koloz (Volos), Salonique (Thessalonique), La
Canée, Constantinople (Istanbul), Smyrne (Izmir), Satalie (Antalya), Alexandrette, Larnaca, Alep,
Tripoli de Syrie (Tripoli du Liban), Beyrouth, Seyde (Sidon), Acre, Rame (Ramla), Damiette, Rosette,
Le Caire, Alexandrie, Tripoli de Barbarie (Tripoli de Libye), Tunis, Alger. On conservera, dans la suite
de ce volume, les dénominations usuelles de l'Ancien Régime.

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