Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie - 163

Le développement de l'institution consulaire

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C. LES OBLIGATIONS STATUTAIRES
303.  Bien qu'ils soient fréquemment issus des milieux d'affaires marseillais74,
les consuls, en acquérant leur office, doivent renoncer à l'exercice de toute activité
commerciale (1) et aller résider dans le ressort de leur consulat (2).
1.	 L'exclusion du commerce
304.  Les consuls disséminés dans l'Empire ottoman ont pour fonction essentielle de « deffendre et assister » les sujets du roi résidant dans les échelles, afin
d'œuvrer au profit du « bien général des marchandz et de la conservation du commerce »75. Partant, l'exercice d'un office consulaire est très tôt conçu comme
incompatible avec l'exercice d'un commerce particulier, par crainte que « le marchand uni avec le consul par des intérêts communs se croit en droit d'en attendre
beaucoup et le sollicite pour des préférences odieuses et incompatibles avec les
règles que prescrit le devoir »76. Par conséquent, des lettres patentes du 20 mai 1618
défendent aux consuls de se livrer au commerce, tant pour eux-mêmes que pour
le compte d'autrui, sous peine de révocation de leur office77. Cette disposition sera
par ailleurs renouvelée à deux reprises à la fin du xviiie siècle, par les ordonnances
des 9 décembre 1776 et 3 mars 178178. Le roi octroie néanmoins des dérogations à
cette règle79. À la fin du xviie siècle, le consul établi à Smyrne dispose par exemple
d'un privilège lui permettant d'importer de l'avelanède80 dans le royaume81.
305.  Pour éviter toute fraude par interposition de personnes, le Conseil du
roi étend incidemment, dans un arrêt du 31 juillet 1691 relatif à la réforme du
mode de rémunération des consuls, l'interdiction de commercer aux « officiers et
aux domestiques » attachés aux consulats82. Certains vice-consuls, arguant qu'ils
ne sont dotés d'aucun appointement et qu'ils exercent une charge purement honorifique, continuent néanmoins d'exercer leur activité commerciale, comme à
Rosette où le vice-consul occupe également des fonctions de facteur pour le
compte de quelques négociants du Caire83. Le Conseil de commerce84, informé de
cette situation, dote par un arrêt du 31 mai 1694 ces vice-consuls d'appointements
74. Y. Debbasch, La nation française en Tunisie..., op. cit., p. 183 et s.
75. On retrouve ces considérations dans la motivation des Lettres patantes faisant deffences entre
autres aux consuls établys aux eschelles du Levant de négossier et traffiquer, 20 mai 1618 (Marseille,
ACCIM, J 20, fol. 1).
76. B. de Saint-Gervais, Mémoires historiques qui concernent le gouvernement de l'ancien et du
nouveau royaume de Tunis, avec des réflexions sur la conduite d'un consul et un détail du commerce
(éd. cit., p. 221).
77. Lettres patantes faisant deffences entre autres aux consuls établys aux eschelles du Levant de
négossier et traffiquer, 20 mai 1618 (Marseille, ACCIM, J 20, fol. 1v).
78. Ordonnance concernant les consuls et autres officiers de sa majesté dans les échelles du Levant
et de Barbarie, 9  décembre  1776, art.  15 (éd.  Paris, Imprimerie royale, 1776, p.  5 [Paris, AN, AE,
BIII 192, pièce 160]) ; Ordonnance concernant les consulats, la résidence, le commerce et la navigation des
sujets du roi, dans les échelles du Levant et de Barbarie, 3 mars 1781, titre I, art. 20 (éd. cit., p. 79).
79. A. Mézin, Les consuls de France au siècle des Lumières..., op. cit., p. 27.
80. Cupule des glands du chêne vélani employée dans la préparation des cuirs et des teintures.
81. Mémoire concernant l'eschelle de Smyrne, 20  mai  1688 (Paris, AN, AE, BIII  235, pièce  18,
fol. 2).
82. Arrêt portant règlement sur les droits qui doivent être perçus et qui sont dûs aux consuls du
Levant pour le commerce des bâtiments françois, 31 juillet 1691 (éd. cit., p. 5).
83. Extrait des registres du Conseil d'État, 31  mars  1694 (éd.  s.  l., s.  e., 1694, p.  1 [Marseille,
ACCIM, J 20]).
84. Sur cette institution, voir S.  Vosgien, Gouverner le commerce au XVIIIe siècle. Conseil et
Bureau du commerce, Paris, CHEFF-IGPDE, 2017.

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