Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie - 188

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LES ÉCHELLES DU LEVANT ET DE BARBARIE

proférer, à la moindre contrariété, des menaces d'expulsion contre les négociants
qui leurs déplaisent40. Les marchands disposent toutefois d'un recours hiérarchique auprès du secrétaire d'État à la marine contre les mesures de police consulaire41, bien qu'en pratique celui-ci se révèle souvent réticent à censurer les -décisions
consulaires42. Afin d'assurer l'effectivité de ce contrôle, l'édit de juin 1778 impose
aux consuls d'exposer au secrétaire d'État les motifs qui les auront déterminés à
expulser un sujet du roi43. En outre, les ordonnances de police promulguées par les
consuls ne s'appliquent, en principe, qu'aux Français résidant dans les échelles44.
Néanmoins, dans certains cas exceptionnels, les consuls en étendent l'application
aux étrangers, avec le concours de l'assemblée de la nation.
II. L'EXTENSION DE LA POLICE CONSULAIRE
AUX ÉTRANGERS
350.  En pratique, les sujets d'autres États européens, établis dans le Levant
sous la protection française, peuvent faire l'objet de mesures de police, au même
titre que les régnicoles. Toutefois, aucun fondement textuel ne prévoit explicitement ce cas de figure : en pratique, les consuls s'adressent alors à l'assemblée du
corps de la nation pour procéder à la levée de la protection, avant d'ordonner que
le fauteur de trouble soit embarqué sur le premier navire en partance pour la
Chrétienté. C'est notamment le cas lorsque, le 15 mars 1736, l'assemblée de La
Canée ordonne sur proposition du consul la déportation d'un certain Blaise de
Prague, tailleur et « yvrogne de profession », originaire du royaume de Bohème45.
351.  En l'absence de dispositions capitulaires et de moyens de contrainte, il
est en principe impossible pour les consuls de prononcer des mesures de police à
l'égard de sujets ottomans. Ceux-ci développent néanmoins une pratique, désignée sous les termes de batelation ou d'abatellement46, visant à soumettre
40. Mémoire concernant l'eschelle de Smyrne, 20 mai 1688 : « [Le consul] traite indignement les
marchands et avec des emportemens de mespris qui sont extraordinaires, et dez qu'on n'opine pas à
son gré, il menace aussy tost de faire embarquer » (Paris, AN, AE, BIII 235, pièce 18, fol. 2v).
41. Ce recours hiérarchique est longuement évoqué dans le Mémoire sur le commerce et les
consulats du Levant, 16  mars  1748 (Paris, AN, AE, BIII  238, pièce  6, fol.  53v). Voir également
C. de Peyssonnel, Examen du livre intitulé Considérations sur la guerre actuelle des Turcs, par Monsieur
de Volney (éd.  cit., p.  232). Sur le recours hiérarchique, voir les travaux anciens d'A.  Delvoux,
« Querelle entre consul et négociant », Revue africaine, t. 15, 1871, p. 261-270.
42. Lettre du comte de Maurepas à la Chambre de commerce de Marseille, 26  décembre 1725
(Marseille, ACCIM, J 96, fol. 2).
43. Édit portant règlement sur les fonctions judiciaires et de police qu'exercent les consuls de France
en pays étrangers, juin 1778, art. 81 (éd. cit., p. 347).
44. Ce principe est notamment rappelé par P. Biarnoy de Merville, Ordonnance de la marine du
mois d'aoust 1681 commentée et conferée sur les anciennes ordonnances, le droit romain et les nouveaux
règlemens (éd. cit., p. 78-79).
45. Procès-verbal de l'assemblée de la nation à La Canée, 15 mars 1736 : « Vous le savés Messieurs,
jamais aucun étranger n'a été plus indigne de la protection de France que le nommé Blaize de Prague
en Boème, tailleur.  C'est un yvrogne de profession qui, pris de vin ou non, n'a jamais eu pour le
François en général, et même en particulier, qui l'ont fait travailler de son métier, que des manières
roques jusqu'à l'impudence. Il y en avoit là bien assez pour chasser de la protection ce mauvais sujet
qu'on y souffre depuis plus de vingt cinq ans. [...] Surquoy tout Messieurs les négocians ont délibéré
unanimement, lorsqu'il se présentera une occasion, de faire passer ledit Blaize et sa famille en
Chrétienté, soit à droiture, soit par voye de Morée » (Nantes, CADN, 328 PO, série 1, 191).
46. 
L'étymologie de ces termes demeure incertaine. Leur emploi a disparu à l'Époque
contemporaine et, sous l'Ancien Régime, les auteurs se bornent à relever que le verbe bateler « est un
mot du langage du pays » (Mémoire sur l'état du négosce des François, Anglois, Venitiens et Hollandois

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