Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie - 229

Le développement de structures cartellaires

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I. L'OLIGOPOLE À L'ÉGARD DES RÉGNICOLES
429.  Depuis le xvie siècle, les capitaines de vaisseau et leur équipage se livrent
à un petit commerce -  le commerce de pacotille  - leur permettant de compléter
leurs revenus. Par une convention verbale, l'affréteur d'un navire marchand peut
en effet autoriser les marins à embarquer une quantité déterminée de marchandise libre de fret pour leur propre compte, en contrepartie d'une réduction de leur
rémunération21. Ce mécanisme, fréquemment employé dans le commerce méditerranéen, permet notamment aux affréteurs de compléter une cargaison et de diminuer les frais d'équipage22.
430.  Dans sa politique de réduction systématique de la concurrence nationale dans les échelles, l'autorité royale craint que le commerce de pacotille ne
déstabilise l'activité des commissionnaires23. Bien que d'un faible volume, les marchandises vendues à vil prix par les gens de mer, exemptes des frais inhérents aux
maisons de commerce, sont rapidement envisagées comme une forme de concurrence déloyale risquant de conduire à une baisse globale des prix de vente24. Pour
y remédier, une ordonnance du 3 août 1685 défend à tous les passagers et gens de
mer qui se sont embarqués sur des navires, à l'exception des capitaines, de vendre
ou d'acheter directement leurs marchandises aux négociants ottomans, sous peine
de 500 livres d'amende. Ce texte n'interdit toutefois pas le commerce de pacotille
et impose simplement à ceux qui s'y livrent de passer par l'intermédiaire d'un
commissionnaire attaché au corps de la nation25. L'ambassadeur à Constantinople, Pierre de Girardin, étend par ailleurs le domaine d'application de cette
ordonnance aux capitaines, dans un règlement de police de 168626.
431.  Ces dispositions ont pour effet de remettre l'intégralité du commerce
ottoman entre les mains des commissionnaires des échelles, mettant ainsi en place
un marché oligopolistique. La Chambre de commerce de Marseille s'insurge
contre cette réduction de la liberté commerciale27 et les conséquences sociales qui
21. J.  Savary des Bruslons, v° Pacotille, Dictionnaire universel de commerce (éd.  cit., t.  II,
col. 947) ; J.-N. Guyot, v° Pacotille, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence civile, criminelle,
canonique et bénéficiale (éd. cit., t. XII, p. 472a).
22. Sur ce point, voir F. V. de Forbonnais, Questions sur le commerce des François au Levant
(éd. cit., p. 59).
23. J.-N. Guyot, v° Pacotille, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence civile, criminelle,
canonique et bénéficiale : « Les négocians françois établis dans les échelles du Levant [se sont] plaints
des inconvéniens généraux des pacotilles accordées aux gens de mer et du préjudice infini que causoit
au commerce de la nation dans ces échelles, l'usage où étoient les capitaines maîtres ou patrons,
subrecargues et passagers, d'y porter des marchandises ou pacotilles » (éd. cit., t. XII, p. 472a).
24. Ce même phénomène est notamment décrit par le Mémoire pour éclaircir si on doit permetre
aux capitaines et écrivains des bâtimens françois d'achepter des Juifs ou Turcz ez eschelles de Levant ou
seulement des négocians françois qui y font leur résidence, 5 juillet 1703 (Marseille, ACCIM, J 1575,
p. 214-215).
25. Ordonnance portant défences au escrivains et matelots d'achepter des marchandises en Levant
que ce ne soit par les ministère des marchands résidant sur les eschelles, 3 août 1685 (Marseille, ACCIM,
J 1581, fol. 1).
26. On ne dispose pas du texte original de l'ordonnance de Girardin. Il y est cependant fait
référence dans les registres de consulat et notamment dans le Procès-verbal de l'assemblée de la nation
à La Canée, 20 janvier 1700 (Nantes, CADN, 328 PO, série 1, 190).
27. Mémoire pour les sieurs eschevins et députez du commerce de Marseille, 1er septembre 1685 :
« [L'ordonnance du 3 août 1685] défend aux escrivains, matelots et autres qui seront embarquez sur
les vaisseaux destinez pour les eschelles du Levant de rien traicter avec les Turcs ni achepter aucunes
marchandises que par le canal d'un marchand françois y domicilié, seroit un coup mortel pour le

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