Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie - 41

L'encadrement international du commerce franco-ottoman

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sont expressément exclus de la protection française114. Ce mécanisme juridique est
par la suite repris par toutes les capitulations postérieures115. En vertu de ces dispositions, la France se voit conférer le privilège de protéger les sujets des autres
principautés européennes. La seule limite à ce principe est qu'elle ne peut accorder sa protection à des États engagés dans un conflit ouvert avec la Porte116.
À l'origine, la France est seule à disposer de cette capacité ce qui lui confère un
monopole dans le Levant117. À la fin du xvie siècle, ce caractère monopolistique
est d'ailleurs rappelé à plusieurs reprises par les autorités turques aux marchands
européens essayant d'échapper à cette protection118.
49.  Dans les échelles d'Afrique du Nord, les traités de paix ratifiés par les
régences barbaresques reprennent ce mécanisme juridique tout en précisant son
domaine d'application. Le traité conclu entre Tunis et la France en 1665 rappelle
par exemple le monopole de protection du consul français en prévoyant que
« toutes les nations qui négocieront en ladite ville de Tunis et l'étendue dudit
royaume, reconnaîtront le consul des François et lui paieront les droit accoutumez dudit consulat sans difficulté, excepté la nation angloise et la flamande qui
ont à présent un consul dans Tunis »119. En mer, d'autres clauses prévoient l'extension de la cessation des actes d'hostilité aux bâtiments étrangers arborant la bannière française120. Par conséquent, les protégés européens faits prisonniers et
réduits en esclavage doivent être remis en liberté, au même titre que les sujets du
roi de France121.
50.  Les ambassadeurs et les consuls interprètent largement ces dispositions
dans la perspective de soumettre les étrangers protégés au régime français. Les
protégés relèvent ainsi, dans les échelles, de la compétence juridictionnelle du
consul de France pour tous leurs litiges avec des européens122. Le consul est
114. Capitulations de Mourad III, 15 juillet 1581 (éd. cit., p. 384).
115. Capitulations de Mehmed III, 25 février 1597 (éd. cit., p. 402) ; Capitulations d'Ahmed Ier,
20 mai 1604, art. 4 (éd. cit., p. 419) ; Capitulations de Mehmed IV, 5 juin 1673 (éd. cit., p. 470-471) ;
Capitulations de Mahmud Ier, 30 mai 1740, art. 38 (éd. cit., p. 496-497).
116. Cette limite est notamment expliquée dans un Mémoire sur la deffence ordonnée par les
Turcs, de l'entrée des ports de l'Empire ottoman aux vaisseaux vénitiens, sous quelque protection que ce
soit, juin 1694 (Paris, AN, AE, BIII 235, pièce 63).
117. De l'ambassade de France à Constantinople, s. d. (Paris, BNF, ms. fr., 7194, fol. 24v).
118. En 1585, un négociant florentin refuse, par exemple, de se soumettre à l'autorité du consul
français du Caire. Sur ce point, voir la Lettre de Berthier, secrétaire de l'ambassade à la Porte, à
Henri III, 22 mars 1585 (éd. E. Charrière, Négociations de la France dans le Levant, op. cit., t. IV,
p. 503). Sur la même affaire, voir également la Lettre de Berthier, secrétaire de l'ambassade à la Porte,
à Henri III, 18 septembre 1585 (éd. E. Charrière, Négociations de la France dans le Levant, op. cit.,
t. IV, p. 504). La même année, l'ambassadeur obtient que les Ragusains reviennent sous la protection
française. Sur ce point, voir la Relation du sieur de Germigny, de sa charge et légation de Levant,
présentée au roi, 30 mars 1585 (éd. Recueil des pièces choisies extraites sur les originaux de la négociation
de M. de Germigny, de Chalon sur Saône, Chalon[-sur-Saône], Pierre Cusset, 1661, p. 92).
119. Traité entre le royaume de France et la régence de Tunis, 25 novembre 1665, art. 17 (éd. cit.,
p. 121).
120. Traité entre le royaume de France et la régence d'Alger, 21 mars 1619 (éd. cit., p. 13).
121. Traité entre le royaume de France et la régence de Tripoli de Barbarie, 29 juin 1685, art. 11
(éd. cit., p. 247).
122. Mémoire des principaux évènements qui se sont passés jusques aujourd'hui pendant
l'ambassade de monsieur le marquis de Villeneuve, 1735 : « Lorsque Monsieur le marquis de Villeneufve
est venu dans le Levant c'étoit un usage étably dans toutes les échelles que les consuls connaissent par
voye judiciaire de toutes les affaires contencieuses, [...] entre les François et les protégés étrangers »
(Paris, BNF, ms. fr., 7194, fol. 193v).

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