Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie - 42

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LES ÉCHELLES DU LEVANT ET DE BARBARIE

é- galement tenu de présenter les doléances des protégés en cas de vexation de la
part des autorités turques et d'engager les frais nécessaires à la résolution de l'affaire123. La monarchie défend cependant par l'intermédiaire d'un règlement de
son inspecteur des échelles124, Xavier d'Ortières, que les avantages accordés spécialement à la France, notamment fiscaux, s'appliquent aux protégés125. L'intérêt
pour la France à garantir cette protection aux étrangers est double. La monarchie
française, qui dispose à l'origine seule de cette capacité, affirme sa supériorité126
dans le Levant sur les principautés européennes dont les sujets bénéficient de sa
protection et défend ainsi le prestige de sa bannière127. Le royaume tire par ailleurs
une source conséquente de revenus grâce à l'octroi de cette protection128. Les protégés, soumis au régime français, s'acquittent en effet de diverses impositions,
dont des droits consulaires substantiels prélevés sous forme de pourcentage de la
valeur des marchandises qu'ils font transiter dans l'échelle.
51.  Après plusieurs décennies, le monopole accordé à la France pour la protection des étrangers s'émousse néanmoins et plusieurs puissances européennes se
voient concéder le même privilège.
B. LA PERTE PROGRESSIVE DU MONOPOLE FRANÇAIS
DE PROTECTION DES EUROPÉENS
52.  Dès la fin du xvie siècle, une succession d'incidents diplomatiques relatifs
à la protection française vient remettre en cause son caractère monopolistique (1).
La multiplication des exceptions issues de ces évènements conduit même à la suppression du monopole au xviie siècle (2).
123. De l'ambassade de France à Constantinople, s. d. : « Au moyen de ce droit, le consul est tenu
de les protéger et de faire la dépense nécessaire à cette protection, mais s'ils leur arrive quelque avanie
considérable elle n'est point suportée et répartie sur les effets de tous les bâtiments françois qui se
trouvent alors dans le port, et réciproquement, les effets chargés sur les leurs ne sont point sujets aux
répartitions des avanies qui arrivent, dans les ports où ils sont, aux François ou a leurs effets. Il n'en
est pas de même à l'égard des effets que ces étrangers ont chargé ou chargent sur les bâtiments sous
bannière françoise, car comme ces effets, outre le droit de consulat, sont soumis à un autre apellé de
cotimo qui subsiste depuis un temps infini, quoy que le motif en ait cessé depuis long temps, et aux
autres impositions qui se payent par les François dans les échelles, même qui sont faites à cause des
avanies qui arrivent aux sujets du roy et à leurs effets. Ceux aussi des François sont soumis
réciproquement au jugement des avanies qui peuvent estre faites à ces étrangers dans leurs personnes
ou dans leurs effets, ce que la Chambre du commerce de Marseille a quelque fois cherché d'éluder »
(Paris, BNF, ms. fr., 7194, fol. 24v-25).
124. Sur les fonctions d'inspecteur, voir B. Barbiche, Les institutions de la monarchie française à
l'époque moderne. XVIe-XVIIIe siècle, 2° éd., Paris, PUF, 2001, p. 86-87.
125. Règlement fait par Monsieur d'Ortières, envoyé de sa majesté pour la visite des échelles du
Levant, 8 octobre 1687, art. 15 (Marseille, ACCIM, J 1573, fol. 2v).
126. Le terme est en lui même porteur de cette connotation, ainsi qu'en témoigne le v° Protection,
Dictionnaire de Trévoux (éd. cit., t. VII, p. 25b).
127. De l'inutilité de recourir à la Porte pour des restitutions d'argent, 1718 : « Suivant la maxime
constante, observée en tout tems en pareille occasion et qui s'accorde avec la politique, puisqu'un prince
en maintenant sa bannière et protection inviolable et faisant à ceux qui y ont recours la mesme justice
qu'à ses sujets, [il] en maintient le crédit et la réputation » (Paris, AN, AE, BIII 236, pièce 48, fol. 3).
128. Lettre d'Henri IV à de Brèves, ambassadeur à la Porte, 23 septembre 1600 (éd. J. Berger de
Xivrey, Recueil des lettres missives de Henri IV, Paris, Imprimerie nationale, 1850, t. V, p. 309) ; De
l'inutilité de recourir à la Porte pour des restitutions d'argent, 1718 : « Les étrangers qui négocient en
Levant sous la bannière du roy, font valoir nos bâtimens, ils payent d'ailleurs sur les eschelles les droits
consulaires, et autres. Ils acheptent par là la protection qui leur est aussy deue par une loy naturelle et
politique ; puisque sans cette justice, ils n'auront garde de recourir à une bannière qui ne les protégeroit
pas et ne leur serviroit pas d'azile » (Paris, AN, AE, BIII 236, pièce 48, fol. 3).

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