Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie - 64

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LES ÉCHELLES DU LEVANT ET DE BARBARIE

échelles et il suffit aux consuls français « de faire quelque petits présens aux aghas
qui commandent dans quelques échelles écartées pour qu'ils en permissent la
traitte »35. Pour contourner cette corruption ordinaire, certains négociants
mettent en place de véritables systèmes frauduleux de grande ampleur grâce à de
faux contrats de nolis36 pour le transport des blés à l'intérieur de l'Empire, avec la
complicité des consuls et d'intermédiaires locaux37. Dans une ordonnance du
6 octobre 1730, Louis XV réagit à ces fraudes qui exposent les marchands français à toutes sortes de représailles, en interdisant de porter des céréales en
-Chrétienté grâce à des montages contractuels frauduleux, sous peine de confiscation de la cargaison et d'une amende de trois mille livres38.
92.  Au-delà de l'embargo sur le commerce des céréales, de nombreuses
autres prohibitions d'exportation, ou d'importation, frappent spécifiquement
certaines marchandises.
2.	 Les autres marchandises prohibées par le droit ottoman
93.  Les sources administratives françaises relatent notamment qu'il est strictement interdit de fournir des armes aux Chrétiens, au motif que « le cadis et le
moufty, s'y [sont] toujours opposez, disant que la loy mahometanne [...] ne permet
pas de livrer des canons aux Chrestiens »39. Des défenses similaires interdisent aux
marchands européens d'exporter des chevaux hors du territoire ottoman40.
B. de Saint-Gervais, Mémoires historiques qui concernent le gouvernement de l'ancien et du nouveau
royaume de Tunis, avec des réflexions sur la conduite d'un consul et un détail du commerce (éd. Paris,
Ganeau et Henry, 1736, p. 327-328).
35. Mémoire au sujet de la traite des bleds dans les États du grand seigneur, 1706 (Paris, AN, AE,
BIII 236, pièce 90, fol. 1).
36. Dans la France méridionale, le terme de nolis désigne un type particulier de contrat
d'affrètement de navire. Sur ce point, voir J. Savary des Bruslons, v° Nolis, Dictionnaire universel de
commerce (éd. cit., t. II, col. 877).
37. Mémoire sur les difficultés qui se peuvent rencontrer à enlever du bled des parties du Levant et
de tous les États du grand seigneur, février 1694 : « Le véritable moyen c'est d'agir en cella sans bruit et
sans esclat, aller à la sordine dans toutes les eschelles comme vaisseau marchand quy va chercher des
marchandises et y avoir des habilles gens dessus les bastimens quy sachent l'intrigue et la manière du
pays que l'on voudra aller et des ordres secrets pour les consuls des lieux de les ayder cellon les
mouvemans secrets quy conviendra faire affin qu'ayant une fois estably secrettemant l'intrigue qu'il
faut nécessairemant faire avec le bacha et avec le moulat ou cadis quy est le chef de la justice de chaque
pays, l'on puisse prandre prétexte que les bastimens ne trouvant pas des marchandises propres pour sa
charge, ils sont réduits de se nolizer pour charger de blés et pour porter en Constantinople, Candie ou
autres pays de Turc » (Paris, AN, AE, BIII 235, pièce 54, fol. 2v-3) ; Mémoire au sujet de la traite des
bleds dans les États du grand seigneur, 1706 : « Ainsy, il me semble qu'il seroit à propos que nos
bâtimens, surtout quand ils sont un peu gros, ne parussent point dans les ports de terre ferme, quand
ils viennent pour charger du blé. Il leur tourneroit plus à compte de se tenir à l'écart dans quelque isle
voisine, à portée de négocier leur chargement par le moyen des bâtimens du pays. La chose se fairoit
encore plus sûrement et à meilleur compte, s'il y avoit dans quelques unes de ces isles un homme fixe
qui examinat et informat à l'avance de la quantité des bleds qu'on peut tirer des côtes voisines et à qui
on donnat ordre à bonne heure d'en tenir preste la quantité qu'on voudroit en tirer, afin qu'il pût
appointer la chose avec les bâtimens du pays. Mais il faudroit que ce commissionnaire tint la
commission secrette, ce qui se feroit plus aisément si on se servoit pour cela d'un marchand étably déjà
dans le pays pour quelqu'autre négoce » (Paris, AN, AE, BIII 236, pièce 90, fol. 1v-2).
38. Ordonnance concernant les bâtiments françois qui vont faire le commerce à Damiete et à
Alexandrie, 6 octobre 1730 (éd. Paris, Imprimerie royale, 1730, p. 1-2 [Paris, AN, AE, BIII 192, pièce 85]).
39. Liste des commandemens du grand seigneur au bacha du Caire, 14  juin  1687 (Marseille,
ACCIM, J 1573, fol. 3).
40. Cette prohibition est évoquée par un grand nombre de sources, voir notamment le Procèsverbal de l'assemblée de la nation à Tunis, 13 août 1595 (éd. P. Grandchamp, La France en Tunisie,

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