Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie - 65

Le régime de la protection internationale du commerce franco-ottoman

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94.  Depuis 1673, les capitulations permettent expressément aux Français
établis dans le Levant, d'importer du vin dans le Levant pour la consommation
courante du personnel consulaire et des marchands ainsi que pour la célébration
des offices41. Les autorités locales saisissent cependant parfois les cargaisons d'alcool à leur débarquement dans l'échelle, pour des motifs fallacieux. Au début de
l'année 1686, le commandant des janissaires en garnison à La Canée saisit, par
exemple, plusieurs cargaisons de vin pour en revendre une partie aux populations
grecques de l'île42. Ulcéré, le corps de la nation vote immédiatement la suspension
du commerce avec la Crète jusqu'à restitution des tonneaux43. Les capitulations
n'autorisent néanmoins pas la revente de l'alcool dans les échelles, et celui-ci est
exclusivement importé pour la consommation courante. Or, certains marchands
se plaignent de consuls peu scrupuleux, particulièrement en Égypte, qui revendent
fort cher une partie du vin destiné à leur table en faisant craindre à l'ensemble du
corps de la nation des représailles violentes44.
95.  Plus généralement, le commerce des provisions de bouche est très souvent entravé par les gouvernements locaux d'Afrique du nord. Au xviie siècle,
malgré plusieurs commandements spéciaux du sultan45, les Français ne peuvent
« achepter à Alexandrie le ris et autres légumes nécessaires pour leurs provisions
que d'un seul qui en faisoit le party à l'aga46 et ils les acheptoient fort chèrement
et augmentés ordinairement d'un tiers de terre »47. L'interdiction est telle, qu'à la
fin du xviiie siècle à Alger, « tout objet de bouche, une couffe de dattes, un panier
d'oranges, ne peut être embarqué sans une permission particulière du dey »48.
op. cit., t. I, p. 156) ; Lettre de Lange Martin, 19 juin 1640 (éd. E. Plantet, Correspondance des Beys de
Tunis..., op. cit., t. I, p. 188) ; L. d'Arvieux, Mémoires (éd. cit., t. VI, p. 59-60) ; Lettre de Béranger,
8 juillet 1697 (éd. P. Grandchamp, La France en Tunisie, op. cit., t. IX, p. 286-287) ; Lettre de Fort à
Rouillé, 28 mars 1751 (éd. E. Plantet, Correspondance des Beys de Tunis..., op. cit., t. II, p. 436).
41. Capitulations de Mehmed IV, 5 juin 1673 (éd. cit., p. 473-474) ; Capitulations de Mahmud Ier,
30 mai 1740, art. 51 (éd. cit., p. 501).
42. Procès-verbal de l'assemblée de la nation de La  Canée, 18  janvier 1686 (Nantes, CADN,
328PO, série 1, 190).
43. Procès-verbal de l'assemblée de la nation de La  Canée, 18  janvier 1686 (Nantes, CADN,
328PO, série 1, 190).
44. Extrait général de toutes les accusations formées contre le sieur Benoist de Maillet, consul du
Caire, 1706 : « Quand [le consul du Caire] a pris la quantité de vin nécessaire pour sa maison, il fait
vendre le reste en détail par ses valets dans la contrée à toutes sortes de personnes et de nations, que
quand il ne peut pas faire venir en entier ses cent tonneaux de vin, il vend son privilège à des Grecz,
que ce débit de vin en détail dans la contrée expose la nation à des insultes et avanies considérables de
la part des Turcs et que si Aly Aga avoit surpris les gens du consul dans ce débit, il les auroit fait
mourir sous le baston, ce qui auroit exposé toute la nation, corps et biens, au pillage et à la discrétion
de la populace et qu'enfin quand quelques uns d'eux ont eu besoin d'achepter de lui quelque tonneau
de vin, il le leur a vendu deux fois autant qu'il l'avoit achepté » (Marseille, ACCIM, J 1575, p. 55) ;
Extrait général de toutes les accusations formées contre le sieur Benoist de Maillet, consul du Caire, 1706
(Marseille, ACCIM, J 1575, p. 52-54) ; Mémoire pour Messieurs les échevins et députés de la Chambre
du commerce de Marseille sur l'estat des échelles du Levant, 8 juin 1719 (Marseille, ACCIM, J 1576,
fol. 6v-7).
45. Voir, par exemple, le Commandement adressé aux beylerbey et cadi de l'île interdisant d'estimer
les marchandises et les provisions de bouche au-dessus du prix courant, mars 1676 (éd. A. Pouradier
Duteil-Loizidou, Consulat de France à Larnaca..., op. cit., t. III, p. 233-234).
46. 
Dans l'Empire ottoman, le titre d'agha signifie « chef », « maître » ou quelquefois
« propriétaire foncier » (H. Bowen, v° Agha, Encyclopédie de l'Islam, op. cit., t. I, p. 253b-254a).
47. Liste des commandemens du grand seigneur au bacha du Caire, 14  juin  1687 (Marseille,
ACCIM, J 1573, fol. 3v).
48. J.-M. Venture de Paradis, Alger au XVIIIe siècle (éd. E. Fagnan, Alger, Adolphe Jourdan,
1898, p. 35).

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