Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie - 76

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LES ÉCHELLES DU LEVANT ET DE BARBARIE

port franc127 [...] elle doit estre considérée à cet égard comme une ville étrangère, outre que, si on ostoit la liberté d'y faire entrer ces sortes de marchandises, il en arriveroit deux inconvéniens : l'un que les Marseillois seroient
privés d'en fournir l'Espagne et autres pays étrangers, d'où ils rapportent en
France les lingots d'argent et les piastres qui sont absolument nécessaires
pour le commerce du Levant, et l'autre que certaines manufactures du
royaume [...] en souffriroient une diminution considérable, puisqu'elles n'ont
presque de débit dans le Levant qu'en l'échange de toiles de coton128.
119.  Les sources administratives révèlent néanmoins que Lebret revoit son
interprétation quelques années plus tard et prend des mesures pour faire cesser ce
commerce. Il renforce notamment la garde du Lazaret où les matelots, placés en
quarantaine129, font passer en fraude les toiles prohibées avec la complicité des
intendants de santé130. Malgré ces nombreuses exceptions, le principe de libre circulation des biens demeure. Les textes prévoient d'ailleurs le nécessaire corollaire
de cette liberté : la libre circulation des personnes.

SECTION II
LA LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES
120.  Les capitulations et certains traités conclus avec les régences barbaresques énoncent un principe de libre circulation des personnes dans le Levant (I)
et mettent en place plusieurs mécanismes de protection garantissant l'exercice de
cette liberté (II).
I. L'ÉNONCÉ DU PRINCIPE
121.  La liberté de circulation des personnes sur le territoire ottoman est
affirmée sous forme de principe général dès les capitulations accordées par le sultan Sélim II en 1569 : « les marchans et hommes de ce pays-là, leurs interprètes,
peuvent venir tant par mer que par terre en noz pays et citez »131. Ce principe se
divise de jure en deux libertés distinctes : la liberté d'aller et venir sur le sol ottoman et les côtes proches ; la liberté d'établissement des diplomates et des marchands français. Toutes les capitulations postérieures132, ainsi que certains traités
conclus avec les régences barbaresques133, réaffirment ce principe et en précisent
127. Sur la notion de port franc, voir G. Calafat, Une mer jalousée..., op. cit.
128. Lettre de Lebret, intendant en Provence, au contrôleur général des finances, 24  mai 1688
(éd. A.-M. de Boislisle, Correspondance des contrôleurs généraux des finances avec les intendants des
provinces, Paris, Imprimerie nationale, 1874, t. I, p. 151-152).
129. Sur ces mesures de quarantaine, voir D. Panzac, Quarantaines et lazarets. L'Europe et la
peste d'Orient (XVIIe-XXe siècles), Aix-en-Provence, Édisud, 1986.
130. Lettre de Lebret, intendant en Provence, au contrôleur général des finances, 17 octobre 1695
(éd. A.-M. de Boislisle, Correspondance..., op. cit., t. I, p. 405) ; Mémoire touchant le commerce du
Levant, octobre 1698 (Paris, AN, AE, BIII 235, pièce 79, fol. 5v).
131. Capitulations de Sélim II, 18 octobre 1569, art. 3 (éd. cit., p. 369).
132. Capitulations de Mourad III, 15 juillet 1581 (éd. cit., p. 386) ; Capitulations de Mehmed III,
25  février  1597 (éd.  cit., p.  401) ; Capitulations d'Ahmed Ier, 20  mai  1604, art.  1er (éd.  cit., p.  417) ;
Capitulations de Mehmed IV, 5 juin 1673 (éd. cit., p. 460) ; Capitulations de Mahmud Ier, 30 mai 1740,
art. 20 (éd. cit., p. 488).
133. Voir, par exemple, le Traité entre le royaume de France et la régence de Tunis, 25 novembre
1665, art. 6 (éd. cit., p. 118).

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