Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie - 77

Le régime de la protection internationale du commerce franco-ottoman

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l'étendue. Il est par ailleurs expressément demandé aux ambassadeurs de veiller
tout particulièrement au respect de cette liberté134.
122.  Plusieurs dispositions spéciales, insérées dans les capitulations, garantissent la pleine jouissance de cette liberté, tant sur terre que sur mer. Dans les
échelles, des articles prévoient à partir de 1604 que les pèlerins pourront visiter
librement les lieux saints de Jérusalem135 et garantissent la libre circulation des
religieux qui y sont établis sous la protection française136. Il est également interdit
de retarder le départ d'un négociant endetté, à condition que l'ambassadeur ou le
consul se porte garant du recouvrement de la créance137. En outre, les capitulations de 1740 entérinent la pratique des marchands français consistant à hisser la
bannière royale au-dessus des lieux où ils sont établis138. Sur les navires, les sujets
du roi de France jouissent également d'une protection étendue, relative à leur
statut personnel. Une casuistique est même envisagée par les textes : les marchands français capturés sur des vaisseaux battant pavillon étranger doivent être
remis en liberté et leurs marchandises restituées, pourvu néanmoins qu'ils ne
fassent pas partie d'un équipage de course139 ; les navires français pris à faire du
commerce avec des ennemis de la Porte sont relâchés140 ; enfin, un passager français naviguant sur un vaisseau turc chargé d'une cargaison de contrebande ne doit
en aucun cas être assimilé aux contrebandiers141.
123.  En pratique, l'exercice de cette liberté varie toutefois d'une échelle à
l'autre. Si la présence française est plutôt bien acceptée dans la péninsule grecque et
en Anatolie142, l'hostilité des populations arabes à l'égard des Chrétiens rend difficiles les déplacements en Syrie et en Afrique du nord. Le comte de Volney, célèbre
orientaliste et philosophe de la fin du xviiie siècle, relate ainsi dans le récit de ses
voyages en Égypte et en Syrie les difficultés rencontrées par les marchands :
C'est un esclavage encore que l'existence de nos négociants dans la
-Turkie. Isolés dans l'enceinte de leurs khans143, chaque instant leur rappelle
134. Voir le Mémoire du roy pour servir d'instruction au Sieur de la Haye Vantelay s'en allant à
Constantinople en qualité d'ambassadeur de sa majesté vers le grand seigneur, 22  août  1665
(éd. P. Duparc, Recueil des instructions données aux ambassadeurs..., op. cit., t. XXIX, p. 39).
135. Capitulations d'Ahmed Ier, 20 mai 1604, art. 4 (éd. cit., p. 418) ; Capitulations de Mehmed IV,
5 juin 1673 (éd. cit., p. 472) ; Capitulations de Mahmud Ier, 30 mai 1740, art. 1er (éd. cit., p. 480-481).
136. Capitulations d'Ahmed Ier, 20 mai 1604, art. 5 (éd. cit., p. 418) ; Capitulations de Mehmed IV,
5 juin 1673 (éd. cit., p. 461).
137. Capitulations de Mahmud Ier, 30 mai 1740, art. 69 (éd. cit., p. 510-511).
138. Capitulations de Mahmud Ier, 30 mai 1740, art. 49 (éd. cit., p. 500).
139. Capitulations de Mehmed III, 25 février 1597 (éd. cit., p. 403) ; Capitulations d'Ahmed Ier,
20  mai  1604, art.  11 (éd.  cit., p.  420) ; Capitulations de Mehmed  IV, 5  juin 1673 (éd.  cit., p.  462) ;
Capitulations de Mahmud Ier, 30 mai 1740, art. 4 (éd. cit., p. 481-482).
140. Capitulations d'Ahmed Ier, 20 mai 1604, art. 12 (éd. cit., p. 420) ; Capitulations de Mehmed IV,
5 juin 1673 (éd. cit., p. 462) ; Capitulations de Mahmud Ier, 30 mai 1740, art. 5 (éd. cit., p. 482).
141. Capitulations d'Ahmed Ier, 20 mai 1604, art. 13 (éd. cit., p. 420) ; Capitulations de Mehmed IV,
5 juin 1673 (éd. cit., p. 461-462) ; Capitulations de Mahmud Ier, 30 mai 1740, art. 6 (éd. cit., p. 482-483).
142. C. de Peyssonnel, Examen du livre intitulé Considérations sur la guerre actuelle des Turcs, par
Monsieur de Volney : « Il n'y a qu'en Syrie et en Égypte, où nos négocians soient logés dans des kans : il
auroit parlé bien différemment s'il avoit été à Constantinople, à Smyrne, à Salonique, s'il avoit vu les
brillantes assemblées des deux sexes, les festins, les concerts, les bals, les fêtes, que les ministres, les
consuls et les négocians étrangers donnent pendant tout l'hiver, en ville et pendant la belle saison, dans
les maisons de campagne, qu'ils ont dans les villages d'alentour » (éd. Amsterdam, s. e., 1788, p. 220).
143. Les termes de « khan », de « caravansérail » ou de « foundouk » désignent un ensemble de
bâtiments entourant une vaste cour. Ces complexes, à l'origine destinés de lieux d'étape pour les
caravanes, servent fréquemment d'habitat permanent aux marchands européens. À  ce sujet, voir

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