Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie - 81

Le régime de la protection internationale du commerce franco-ottoman

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131.  Les Français, dont le statut est garanti par la reconnaissance de leurs
liens de sujétion au roi de France sur le territoire turc, bénéficient également, en
mer, d'une protection particulière contre les corsaires turcs et arabes.
B. LA PROTECTION CONTRE LA COURSE
132.  En Méditerranée, le corso est un mal endémique sous l'Ancien Régime158.
La course et la contre-course s'inscrivent dans un entrelacs d'idéologies et d'intérêts économiques. Les corsaires barbaresques, principalement armés par les
régences d'Alger, Tunis et Tripoli de Barbarie, justifient la guerre de course comme
un prolongement du djihad mené contre les infidèles159. Du point de vue de
l'-Occident chrétien, et notamment pour les chevaliers de l'Ordre de Saint-Jean de
Jérusalem établis à Malte160, elle apparaît comme l'héritage d'habitudes forgées par
les croisades médiévales161. Mais derrière ces justifications, elles permettent avant
tout un enrichissement substantiel des principautés qui s'y livrent, par l'arraisonnement des cargaisons et le commerce des prisonniers réduits en esclavage162.
133.  Les capitulations prévoient une série de dispositions afin de lutter contre
ces pratiques dommageables au commerce franco-ottoman, ainsi qu'au prestige
des deux États. L'article 13 des capitulations de 1569, renouvelé selon des termes
similaires dans tous les textes postérieurs, se limite à ordonner la remise en liberté
des sujets du roi de France capturés et réduits en esclavage par des corsaires ottomans163. À partir de 1597, les capitulations ordonnent également la restitution des
marchandises prises indûment sur des navires français, le paiement de dommages
158. La course en Méditerranée a donné lieu à une très abondante production scientifique qu'il
est impossible de faire figurer ici de manière exhaustive. Pour les travaux les plus récents, voir
notamment les études de R. Coulet du Gard, La course et la piraterie en Méditerranée, Paris, FranceEmpire, 1980 ; D.  Panzac, « La guerre de course à Tripoli de Barbarie dans la seconde moitié du
XVIIIe siècle », Guerre et commerce en Méditerranée, IXe-XXe siècles, éd.  M.  Vergé-Franceschi,
Paris, Veyrier, 1991, p.  255-278 ; H.  Poilroux-Deleuze, « La course en Méditerranée », Guerre et
commerce en Méditerranée..., op. cit., p. 161-178 ; S. Bono, Les corsaires en Méditerranée, Paris, ParisMéditerranée, 1998 ; AE H. Ben Mansour, « La course algérienne (1608-1621). Essai d'un bilan »,
L'homme et la mer. Actes du colloque des 7-8-9 mai 1999 à Kerkennah, éd. A. Fehri, Sfax, Sogic, 2001,
p. 39-50 ; G. Van Krieken, Corsaires et marchands. Les relations entre Alger et les Pays-Bas, 16041830, Paris, Bouchene, 2002 ; J. Heers, Les Barbaresques. La course et la guerre en Méditerranée, XIVeXVIe siècle, Paris, Perrin, 2008. Pour plus de références, voir A.  Blondy, Bibliographie du monde
méditerranéen..., op. cit., p. 250-251.
159. D.  Panzac, « Les esclaves et leur rançon chez les barbaresques (fin XVIIIe-début XIXe
siècle) », Cahiers de la Méditerranée, 2002, n° 14-24.
160. À l'Époque moderne, les hospitaliers de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem deviennent de
grands pourvoyeurs d'esclaves ottomans, notamment à destination de la marine pontificale. À ce sujet
voir S. Bono, « Achat d'esclaves turcs pour les galères pontificales (XVIe-XVIIe siècles) », Revue de
l'Occident musulman et de la Méditerranée, t. 39, 1985, p. 79-92.
161. G. Poumarède, Pour en finir avec la croisade..., op. cit., p. 480 et s.
162. Sur la dimension économique du phénomène, voir M. Fontenay, « La place de la course
dans l'économie portuaire : l'exemple de Malte et des ports barbaresques », Annales. Économies
- sociétés - civilisations, t. 43/6, 1988, p. 1321-1347 ; W. Kaiser et G. Calafat, « The Economy of
Ransoning in the Early Modern Mediterranean », Religion and Trade. Cross-Cultural Exchanges in
World History, 1000-1900, éd. F. Trivellato, L. Halevi et C. Antunes, Oxford, Oxford University
Press, 2014, p. 108-130.
163. Capitulations de Sélim II, 18 octobre 1569, art. 13 (éd. cit., p. 372-373). Cette diposition est
ensuite reprise par les Capitulations de Mourad III, 15 juillet 1581 (éd. cit., p. 389-390) ; Capitulations
de Mehmed  III, 25  février  1597 (éd.  cit., p.  408) ; Capitulations d'Ahmed  Ier, 20  mai  1604, art.  23
(éd.  cit., p.  422) ; Capitulations de Mehmed  IV, 5  juin 1673 (éd.  cit., p.  463) ; Capitulations de
Mahmud Ier, 30 mai 1740, art. 11 (éd. cit., p. 484-485).

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