Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 36 - Les sociétés en nom collectif au XVIIIe siècle - 122

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LES SOCIÉTÉS EN NOM COLLECTIF AU XVIIIe SIÈCLE

c- ondition qu'elles exercent ce métier séparément de leur mari : « [la marchande] est
réputée marchande publicque quand elle faict trafic séparé, & autre, que celuy de son
mary106 [...] ». Dès lors que c'est une profession qui s'exerce au vu de tous, le mari est
censé y avoir donné son consentement tacite. Il est cependant responsable des dettes
qu'elle contracte au titre de ses activités. À cette occasion, Couchot rappelle que la
communauté de biens qui existe entre les deux époux les rend proprement associés :
« Une marchande publique s'oblige donc pour le fait de sa marchandise ou de son
trafic sans qu'elle ait besoin de l'autorité de son mari, & elle engage même par corps
son mari avec elle, quoiqu'il n'ait rien signé, & qu'il ne se mêle point du négoce. C'est
à cause de la communauté de biens qui est entr'eux ; ils sont associés, & doivent par
conséquent subir la même loi, lorsque le commerce de la femme est fait au vû & sçû
du mari qui le souffre107 » Le veuvage permet en outre aux marchandes publiques
« d'entrer en société »108. Les femmes gagnent aussi progressivement une relative
liberté. Certaines se séparent de leurs maris et reprennent le commerce qu'ils exerçaient ensemble : « Anne Geneviève Deleinte, épouse dudit S. Perier, et d'avec lui
séparée quant aux biens et autorisée par justice à la poursuite de ses droits [...] ayant
déclaré qu'elle désirait continuer son commerce de fer et de quincaillerie que le Sieur
son époux faisait avec elle109 [...] ». L'inverse est également observé110. Après la Révolution, des femmes divorcées sont admises parmi les associés : « François Fromont,
tourneur, Marie Françoise Massé, majeure, [...] divorcée ainsi qu'elle le déclare de
Pierre François Laporte111. » Les sociétés composées uniquement de femmes sont
plus rares mais il y en a quelques exemples comme une société établie par deux sœurs :
« Marie Compagnon, fille majeure demeurant rue de la Cordonnerie paroisse Saint
Eustache, Marie Catherine Compagnon aussi fille majeure demeurant rue de la
Harpe paroisse Saint Séverin, sœur de la première [...] lesdites demoiselles Compagnon se sont par les présentes associées pendant quatre années à partir du premier
janvier prochain pour faire le commerce de toile et dentelle112. » C'est ainsi que des
politiques, Dijon, 2008. V. Lemonnier-Lesage, « La femme normande, marchande publique...reste
une femme normande ! » p 475-494 in C. Lauranson-Rosaz et D. Deroussin, dir, Mélanges en
l'honneur du professeur Nicole Dockès, Paris, 2014. Pour mémoire, les articles 4, 5 et 7 du Code de
commerce de 1807 contiennent des dispositions concernant les marchandes publiques.
106. B. Automne, Commentaire sur les coutumes générales de la ville de Bourdeaux et pays
bourdelois, Bourdeaux, 1666. p 18, art 3, § 3. Voir aussi à ce sujet P-B. Boucher, Institutions
commerciales traitant de la jurisprudence marchande. op cit, ch IV, § 118, p. 22, qui cite l'art 235 de la
Coutume de Paris confirmant cette règle.
107. Couchot, op cit, ch VII, Des marchandes publiques, p 27. Voir aussi : C. Du Moulin, op
cit, v° marchandise, p. 265 » et : Coutume générale du duché et pays de Bourgogne, Dijon, 1698, tit IV,
« Des droits et apartenance à gens mariés, et de la communion d'iceux », p. 102, art 1. »
108. Acte de société du 31 juillet 1657. Guillemette François, marchande publique, veuve de
Regnault Flamant s'associe avec Jean Chevallier, gagne denier et Nicolle Gorie, sa femme « au trafficq
de la marchandise de fruiterie et aultres denrées dont elle se mesle » et constitue à cet effet un acte de
société devant notaire. (AN MC/ET/XXIX/193). J. Savary des Bruslons, t 2, p. 588, v° gagne-deniers :
« Hommes forts et robustes dont on se sert à Paris pour porter des fardeaux & marchandises en leur
payant une certaine somme dont on convient à l'amiable avec eux. ».
109. Acte de société du 9 septembre 1780. Perier, Deliente. Merciers. (AP D3B6 82).
110. Acte de société du 9 août 1780. Deauboin, Dussaut Menuisiers. Deauboin et Dussaut sont
en société de commerce depuis le 15 mars 1776 sans qu'il y ait un écrit et régularisent leur situation par
un acte notarié. Dussaut est le gendre de Deauboin. Ils s'associent ensemble pour une durée de 9 ans.
Une note en marge de l'acte précise « audit S. Dussaut tant pour lui que pour sa femme, fille dudit
Deauboin jusqu'au premier mai dernier, qui ont quitté le ménage commun. » (AN MC/ET/LXV/411).
111. Acte de société du 5 novembre 1797. François Fromont, tourneur, Marie Françoise Massé,
(ANMC/ET/XXVIII/584).
112. Acte de société du 31 octobre 1728. Marie et Marie Catherine Compagnon. Ouvrages de
toiles. (AN MC/ET/XXIX/391).

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