Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 36 - Les sociétés en nom collectif au XVIIIe siècle - 265

La maîtrise des risques

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l'échéance, et leur fournissoit le temps de ramasser des fonds qu'on remettait à
Paris aux accepteurs afin qu'ils puissent passer l'échéance [...] le Sieur Leman
Delebarre [...] fût enfin forcé de ceder, et d'annoncer au sieur Jacquet qu'il ne pouvoit plus rien fournir195 [...] » Les investisseurs peuvent aussi songer à des placements tout aussi aventureux mais apparemment plus lucratifs et prestigieux196.
278. La société en nom collectif représente un autre modèle fondé sur la
bonne foi entre des personnes de connaissance197. C'est sur la confiance réciproque que le recours à des tiers pour financer la société doit s'établir. Cette
démarche est d'autant plus nécessaire que les tiers n'acceptent habituellement de
fournir des fonds que pour devenir associé de l'affaire et ne pas être tenus à
l'écart. Ils n'y parviennent pas toujours : « Le Sr Creuzé acquit du Sr de la Loëre
par acte passé [...] le 5 janvier 1766 un intérêt d'un sol six deniers dans la société
formée de trente sols pour l'exploitation de la forêt de Retz. [...]. Le même jour il
prêta à intérêt au Sr Latache 15 000 L [...] le sieur Latache adjudicataire de la
coupe de la forêt de Retz a conduit ses associés à se livrer à lui aveuglément pour
cette exploitation [...] Le Sr. Creuzé se laissa induire en erreur mais elle dura peu
car quelque sollicitation qu'il ait faite il n'a jamais pu voir l'état d'aucune des trois
années d'exploitation quoique plusieurs associés soient morts ou se soient retirés
et que la société ait le plus grand besoin de travailleurs, il n'a jamais pu obtenir d'y
être admis198[...] » Des tiers qui, par leurs fonctions, sont appelés à manier de
l'argent comme les agents de banque ou de change ne sont pas de leur côté habilités à apporter leur concours 199. Ils ont bien un compte de caisse à tenir pour
recevoir les sommes qui leur sont confiées aux fins de l'exécution des transactions
mais ne sont pas autorisés à réaliser des prêts et à négocier des billets pour leur
compte particulier. Couchot souligne toutefois que ces principes sont loin d'être
toujours respectés : « [...] cela est bon dans la disposition, & très-difficile dans
l'exécution, puisque le contraire est souvent pratiqué, & qu'il est même des tems
où la rareté de l'argent leur donne la licence comme à beaucoup d'autres personnes, de prêter à intérêt par la voie de billets au porteur200. » D'autres moyens
de financement vont apparaître à la fin du siècle avec des organismes financiers
dont les activités devaient en principe s'adresser à un large public201. Ce n'est
195. Mémoire d'arbitre du 13 mai 1782. Leman Delebarre, Jacquet (AP D6B6 13).
196. Archives de la juridiction consulaire de Paris. Doc n° 5444 & 5445. Gazette du Commerce de
l'agriculture et des finances, année 1765. 22 juin : De Berlin le 21 mai 1765. « S. M. a accordé au sieur
Philippe Clémen, négociant, la permission d'établir une Compagnie pour faire le commerce du
Levant, de la Turquie &c... Les fonds pour cette société sont de 400 actions de deux cent cinquante
rixdalles chacune, ce qui fait un million de rixdalles. Cet établissement est si généralement gouté que la
souscription est déjà presque remplie. ». AP D1B6 33).
197. J. Savary, op cit, Part 2, Liv I, ch IV, p. 63 : « Le crédit de la place est incertain, parce qu'il
dépend du caprice des hommes, ainsi il ne faut pas tout à fait s'y attendre. La plus grande ressource
est celle des amis particuliers qui sont puissans en argent, qui n'en refusent pas quand ils y trouvent la
leur seureté. »
198. Archives de la juridiction consulaire de Paris. Doc n° 5503, s d circa 1770. Creuzé, Latache.
Exploitation forestière. (AP D1B6 34).
199. Ordonnance du commerce de 1673, tit 2, art 1. Voir infra § 259.
200. Couchot, op cit, Liv II, ch 1, p. 37 à propos du tit 2, art 1 de l'ordonnance précité.
201. Une première Caisse d'Escompte créée le 1er janvier 1767 devait être supprimée par un arrêt
du Conseil du 21 mars 1769. Ce projet était repris quelques années après. R. Mousnier, E. Labrousse,
op cit, p. 121 : « En 1776, un Suisse et un Ecossais fondèrent la Caisse d'Escompte [à l'initiative de
Turgot], en évitant prudemment le mot de Banque. » N. Bergasse, op cit, p. 44-45 : « La Caisse
d'escompte met ses billets en circulation, soit en échange des espèces qu'on y dépose, soit en escomptant
à un intérêt de 4 pour cent, des lettres de change à 1, 2 & 3 mois de date, revêtues de l'acceptation des

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